Billet invité.
La Fed et la BCE se préparent à peaufiner leur communication puisque à les écouter il semblerait ne plus leur rester que cela à faire. Après être revenu en arrière, Ben Bernanke va s’efforcer de rassurer les marchés en poursuivant une politique monétaire accommodante leur garantissant des liquidités à bas prix car l’annonce de son éventuelle interruption a immédiatement tendu les taux longs de la dette US, ainsi que par ricochet, ceux des prêts immobiliers à trente ans. Des conséquences toutes deux néfastes.
Comme il était craint, les marchés manifestent une addiction aux mesures exceptionnelles de la Fed, dont les effets inquiétants vont donc se poursuivre : une nouvelle bulle financière est en train de se constituer, dont il n’est pas question de la reconnaître étant donné son origine. Entre deux maux, la Fed a choisi de les satisfaire, car ils ont les moyens de faire prévaloir leur point de vue. Contrairement au mythe abondamment propagé, les banques centrales ne sont pas toute-puissantes face à des marchés financiers hypertrophiés et volatiles. Arrêter les mesures provisoires ne va pas être une partie de plaisir, contrairement à ce qui a toujours été affirmé par des dirigeants de la Fed qui, en l’affirmant, ont cherché à les rendre anodines face à une opposition interne préconisant en chaque occasion, mais en se trompant de film, de les cesser au nom du danger inflationniste qu’elles représentent.
Côté BCE, le gros cafouillage de sa communication va-t-il se poursuivre ? Des déclarations discordantes ont été enregistrées de plusieurs de ses dirigeants à propos de la visibilité qu’elle a donné, à son tour, à la poursuite de sa politique accommodante, exprimant des désaccords masqués derrière une unanimité réfugiée dans le flou. Mais le débat pourrait rebondir à propos d’une décision apparemment technique portant sur les titres ABS (adossés à des crédits) qu’elle accepte en garantie des banques, pour lesquels elle diminue ses exigences de qualité. Car, d’après la presse allemande, la Bundesbank soulève un lièvre sérieux en estimant que la mesure du risque de ces titres est problématique, ce qui renvoie à la mise en avant par le Comité de Bâle de l’effet de levier des banques, qui évacue tout calcul du risque pouvant être trompeur… La question se pose toutefois pour ce dernier comme pour la Fed : le Comité, où sont représentées les onze banques centrales du mal nommé Groupe des dix (dont cette dernière), a-t-il vraiment les moyens d’affronter les banques sur un terrain où s’exprime une grande fragilité qu’elles ne veulent pas dévoiler ?
La décision de la BCE est présentée comme allant permettre aux banques d’accroître leur offre de crédit aux entreprises, mais elle a en réalité une autre fonction : leur permettre de sortir de leur bilan des actifs douteux, confirmant le rôle de bad bank de la zone euro que la BCE joue en douce. Celle-ci apporte ainsi sa contribution au désendettement de banques qui rencontrent des difficultés imprévues à le réaliser par elles-mêmes, étant donné son ampleur. Mais ce n’est pas du goût de son premier actionnaire, la Bundesbank, comme on pouvait s’y attendre.
Incertaines dans leur politique, les banques centrales cherchent à ajuster leur communication, et les responsables politiques consacrent tous leurs soins à la leur. À ce jeu, tous perdent leur crédibilité. Dans un dernier effort pour la conserver, Benoit Coeuré et Jörg Asmussen dévoilent un pan des débats internes du conseil des gouverneurs de la BCE : ils portent sur la publication des minutes de leurs discussions, que seule de toutes les grandes banques centrales, la BCE ne publie pas.