Billet invité
À moins de deux mois du sommet des chefs d’État et de gouvernement de Saint-Pétersbourg, un G20 finances se réunit vendredi à Moscou ; le cas Edward Snowden planera sur la réunion. Le Congrès américain s’en est lui emparé, des élus se réveillant et découvrant qu’ils ont été selon eux trompés, et que la NSA, avec la bienveillante complicité du département de la Justice, va avec ses programmes de surveillance bien au-delà de ce que lui permet la section 215 du Patriot Act. Elle arrive à échéance en 2015, et il est menacé de ne pas la renouveler. En attendant, la discussion porte sur le distinguo entre collecte et exploitation des données, derrière lequel la NSA cherche en toute innocence à se réfugier.
Des données, on va pourtant en entendre parler à Moscou, mais pas les mêmes. Elles porteront sur l’évasion fiscale, thème revenu en force dans le storytelling officiel suite à d’autres révélations, celles de l’Offshore Leaks. Le secret bancaire, l’optimisation fiscale des transnationales, les juridictions non coopératives : tout va y passer au nom de la transparence. Cette vertu toujours évoquée mais jamais rencontrée (sans que sa nature y soit pour quelque chose). La communauté internationale, qui affiche à ce propos son consensus, aura-t-elle concrètement avancé sur ce terrain marécageux ? Il est permis de manifester sa circonspection, des fois que le diable aurait anticipé pour se planquer derrière des montages financiers opaques et retors.
Le grand débat du G20 portera sur un thème dont l’évocation est la référence obligée de tout discours : la croissance. Comme nul ne l’ignore, celle-ci joue les grandes absentes en Europe, se tasse sévèrement au sein des Brics qui devaient – juré – la relancer, et peine aux États-Unis où son lourd décollage peut facilement être contrarié. Mais comment soutenir la croissance, puisqu’il ne suffit pas simplement de l’invoquer ou d’entamer une nouvelle danse favorisant sa venue ? À ce sujet, les Américains attendent de pied ferme les propositions de leurs collègues chinois et européens, coupables de ne pas doper la demande et la croissance. Mais eux, que font-ils ?
Ben Bernanke, le président de la Fed, vient de s’exercer à l’art du rétro-pédalage, remettant à plus tard l’arrêt des achats obligataires de la Fed – une hypothèse dont on reparlera – les marchés ayant réagi sans aucune ambiguité à son ballon d’essai ! Ne manquant pas de métier, Anton Silouanov, le ministre russe des finances, a sans attendre prononcé la formule qui devrait figurer dans le communiqué commun du G20 finances, évoquant la nécessité de politiques monétaires « compréhensibles et prévisibles » (comme si elles ne l’étaient pas, si on le comprend bien).
Sans accéder à la tribune du G20, un autre sujet est d’actualité des deux côtés de l’Atlantique, avec aux États-Unis la relance du débat portant sur la séparation des activités de dépôt et d’investissement des banques, trois ans après l’adoption de la loi Dodd-Frank qui y consacre un volet législatif et pour laquelle Jack Lew, le nouveau secrétaire d’État au Trésor, vient de promettre qu’elle serait pleinement opérationnelle à la fin de l’année. À l’offensive menée par les sénateurs Elizabeth Warren et John McCain en faveur du retour du Glass Steagall Act dans une version modernisée, Jack Lew a rétorqué que la loi Dodd-Frank a créé les « plus solides garanties pour les consommateurs et les investisseurs depuis la Grande Dépression ». En attendant que les Européens définissent leur propre réglementation à ce propos, rendre cohérente la réglementation financière des deux côtés de l’Atlantique est un parcours bien plus semé d’embuches qu’il n’était prévu, dont la complexité fait les affaires de ceux qui fuient les réglementations trop restrictives. Michel Barnier, le commissaire européen en charge des services financiers, a salué non sans soulagement un accord portant sur la feuille de route devant permettre l’harmonisation de la réglementation des produits dérivés, à qui il a donné la valeur d’un « test » en espérant qu’il se reproduira.
Un dernier sujet qui se révélera d’importance pour les Européens dans un proche avenir fera-t-il l’objet d’apartés ? Le FMI s’apprête à demander à la Cour suprême des États-Unis de se saisir du litige opposant l’Argentine à un fonds vautour, en vue d’invalider la décision d’un juge fédéral qui avait donné raison à ce dernier, car celle-ci pourrait compromettre la restructuration future de dettes souveraines, faisant obstacle à tout accord passé à une majorité qualifiée. Selon le Washington Post, la Maison Blanche envisagerait de faire de même, signe de l’importance accordée à cette affaire que les Européens ignorent à tort superbement.
On ne parlera pas en tout cas pas – tout du moins officiellement – des manipulations du Libor, à propos desquelles l’enquête se poursuit depuis un an et a déjà donné lieu à 2,6 milliards de dollars d’amende, ni de la manipulation du marché de l’électricité californien, qui va faire l’objet d’un accord à l’amiable avec JPMorgan Chase assorti d’une amende qui pourrait s’élever à un milliard de dollars. Car une boîte de Pandore a été ouverte et ce que l’on y a trouvé n’est pas joli, demandant du temps pour trouver des solutions présentables…