Billet invité.
Il y aurait une cinquième colonne au sein de nos institutions financières les plus prestigieuses, et l’on doit à quelques intrépides investigateurs – qui vu les circonstances ont préféré se réfugier dans l’anonymat – d’avoir découvert des indices significatifs de son travail de sape.
Si on les en croit, un certain Comité de la supervision bancaire de la Banque des règlements internationaux (BRI), plus communément dénommé le Comité de Bâle, serait noyauté par des agents, comme en témoignerait la publication d’un rapport qui est un véritable pavé dans la mare où pataugent les régulateurs. Celui-ci établit, chiffres à l’appui, que le calcul que les banques font du risque d’un même portefeuille-type d’actifs présente des écarts importants si on applique leurs différentes méthodes. Décrédibilisant du même coup les ratios de Bâle III, nec plus ultra du renforcement des fonds propres des banques qui s’appuient sur ce calcul. La rumeur du caractère arrangeant de ces valorisarions, qui s’amplifiait, vient insidieusement de trouver confirmation officielle…
Mais cela ne s’arrête pas là ! Un nouveau ratio a été immédiatement proposé par le même organisme, une fois revenu à ses esprits. Tenant compte des résultats du rapport, il mesure cette fois-ci l’effet de levier : le rapport entre les fonds propres et les actifs valorisés au nominal (sans pondération du risque). Dans sa sagesse, le Comité a fixé ce ratio à 3%, ce qui revient à dire que pour prêter 100, il faut disposer de 3 de fonds propres…
Deux trublions membres du Sénat des États-Unis – l’un républicain, l’autre démocrate – avaient auparavant tenté de lui forcer la main, tentant sans y parvenir à ce jour de déposer sur le bureau de l’assemblée un projet de loi prévoyant un ratio de 15% ! Une véritable provocation ! Les agents de la cinquième colonne seraient partout, relayés involontairement, à n’en pas douter, par Dan Tarullo, l’un des gouverneurs de la Federal Reserve qui a exprimé ses réserves à propos du pourcentage de 3% du Comité de Bâle, “qui pourrait être trop bas”. Au train où vont les choses, le voile va finir par être levé sur les facilités offertes par le hors bilan…
En lisant l’intervention dans un forum organisé par Amundi (gestion d’actifs) de Benoit Coeuré, c’est à se demander si les banques centrales ne seraient pas une cible privilégiée pour l’infiltration d’agents provocateurs. Le membre du directoire de la BCE a en effet évoqué la possibilité d’un scénario à la japonaise pour l’Europe, faisant référence à une décennie de croissance faible et de stagnation des prix (dont il aurait d’ailleurs pu multiplier par deux la durée, pour s’en tenir aux faits). Mettant les pieds dans le plat en désignant comme principal facteur de risque le secteur bancaire, tout en précisant : « un scénario particulièrement inquiétant pour la zone euro est lié à la possibilité que les efforts du secteur bancaire pour réduire son endettement et restructurer les bilans ne soient pas encore achevés ». Où allons-nous si de surcroît les banquiers centraux en viennent à reconnaitre, comme cela a été le cas, l’existence de quelques « banques zombies » ?