Billet invité.
La crise politique européenne vient de s’élargir au Portugal avec les démissions surprise successives de deux ministres clé du gouvernement de Pedro Passos Coelho, le leader du PSD. Vitor Gaspar, ministre des finances et numéro 2 du gouvernement, artisan des plans de rigueur appliqués au Portugal, a été suivi par Paulo Portas, ministre des affaires étrangères et leader du second parti de la coalition, le CDS-PP, dont la démission a été refusée par le premier ministre, qui tente de le faire revenir sur sa décision. Paulo Portas devait présenter d’ici au 15 juillet – date d’un nouvel examen de la situation par la Troïka – un plan de réforme de l’État permettant d’économiser 4,7 milliards d’euros supplémentaires qu’il faut trouver d’ici la fin 2014, dans un pays où la dette ne cesse de croitre et dépasse 124% du PIB. Mais il a préféré ne pas endosser cette responsabilité, après avoir pris à plusieurs reprises ses distances avec la politique de rigueur, annonçant que sa décision était irrévocable. Ne le serait-elle pas, en définitive, que cela ne changerait pas grand chose maintenant.
Le gouvernement amoindri, sanction d’une situation qui ne va qu’en s’aggravant, qui a entraîné le départ de Vitor Gaspar. La Commission a bien allongé de sept ans la durée des prêts consentis au Portugal, mais cela n’a rien réglé. L’activité économique continue de se dégrader, une baisse de -2,3% du PIB est prévue en 2013, le pays en récession pour la 3ème année. Le déficit budgétaire augmente au lieu de diminuer, déjà à 7,1% du PIB en valeur annuelle fin mars alors que l’objectif de fin d’année est de 5,5%. Le chômage atteint le taux de 18,5%. Un emprunt à 10 ans a bien été placé sur les marchés – probablement largement souscrit par les banques nationales – mais les taux se tendent à nouveau, rendant le retour sur le marché du pays impraticable. Le Portugal suit le chemin tracé par la Grèce : il s’y développe un fort courant favorable à une sortie de l’euro, car il n’y a plus rien à perdre dans ces conditions.
Emmené par José Antonio Seguros, le parti socialiste réclame la tenue d’élections anticipées et proclame son intention de renégocier les accords passés avec la Troïka, dont les conséquences marquent très durement un pays qui vit à l’heure d’une austérité lui rappelant les mauvaises heures du passé, sans espoir d’en voir la fin. Et sans que les protestations massives qui s’enchaînent n’aient entamé jusqu’à ce jour la détermination de l’équipe au pouvoir. Pourtant, significatif de l’isolement de la coalition gouvernementale, les dirigeants des principales organisations patronales ont publiquement déclaré comprendre les participants de la quatrième grève nationale de la semaine dernière !
Si le parti socialiste a les sondages pour lui, il n’obtiendrait pas la majorité au parlement, ne pouvant a priori s’allier ni avec le CDS-PP, ni avec le parti communiste ou le Bloc de gauche (extrême-gauche). Anibal Cavaco Silva, le président de la République, a seul entre les mains la possibilité de convoquer des élections anticipées. Mais la question ne peut pas se résumer à des considérations d’arithmétique électorale, qui aboutissent d’ailleurs à une impasse. Quelle autre politique pourrait sortir des urnes, se demandent les Portugais qui n’ont pas oublié que c’est le précédent gouvernement socialiste qui a engagé ce dont ils subissent aujourd’hui les conséquences ? Une interrogation qu’ils partagent avec les Espagnols, de ce point de vue dans la même situation, qui ne fait qu’ajouter au sentiment qu’il n’y a pas d’issue.
La crise sociale a déjà acquis une dimension telle qu’il ne sera pas possible de prendre de nouvelles mesures de rigueur sans risquer une explosion. Le mûrissement de la crise politique est l’incontestable expression d’un échec, mais il n’apporte pas de solution, car son échelle est européenne.