Billet invité.
Que ne voit-on pas dans le rétro, ces temps derniers ! À quelques jours de son départ de la Banque d’Angleterre, son gouverneur Mervyn King s’épanche devant les députés britanniques. En référence aux dirigeants des banques, il leur a expliqué que la « première réponse » de ceux-ci est souvent de décrocher leur téléphone pour appeler le ministre des finances ou le premier ministre, lorsqu’ils rencontrent un problème dont ils ne veulent pas que le régulateur le soulève. L’Autorité de régulation prudentielle (PRA), qui officie désormais sous la responsabilité de la Banque d’Angleterre, vient d’annoncer que les cinq principales banques britanniques devaient augmenter leurs fonds propres de 27,1 milliards de livres, 13,4 milliards manquant encore à l’appel après leurs récents renforcements. De quand datent donc les dernières pressions des banques sur le 10, Downing Street ?
Le journal Irish Independant fait scandale en Irlande avec la transcription de conversations téléphoniques datant de 2008 de deux dirigeants de l’Anglo Irish Bank entre eux, dont l’origine est le système d’enregistrement de la banque. On y constate non seulement la légèreté avec laquelle ils affectaient de considérer son trou financier, mais aussi qu’ils ont délibérément menti à leurs interlocuteurs gouvernementaux à propos de ses besoins en capital, dans l’intention manifeste d’amorcer une pompe qui ne pourrait plus être arrêtée. Plus de 30 milliards d’euros furent nécessaires, déséquilibrant le budget irlandais et l’entraînant à demander un plan de sauvetage.
Il y a bien pire encore, car le passé éclaire l’avenir, dit-on. C’est le cas en Italie, dont on savait déjà que son gouvernement avait triché lors de son entrée dans l’euro, afin de respecter le sacro-saint ratio maximum de 3% qui mesure le rapport entre le déficit et le PIB. En s’appuyant sur un rapport confidentiel du Trésor italien, les révélations publiées dans le Financial Times et La Repubblica apportent des précisions sur cet investissement massif de contrats de produits dérivés intervenu dans les années 90. D’après des experts consultés par le Financial Times, des pertes potentielles de 8,1 milliards d’euros sont constatées, en référence au marché, sur 31,7 milliards d’euros de contrats, soit un énorme 25% ! Selon le quotidien italien, qui donne des détails techniques, un montage de swaps et de swaptions (options sur swaps) avait permis de repousser en les échelonnant des remboursements à des banques non identifiées ; on aura reconnu la même formule du swap « trafiqué » (un prêt à long terme déguisé en swap) que Goldman Sachs avait consenti à la Grèce pour qu’elle satisfasse en apparence les conditions lui permettant d’entrer dans la zone euro. Pour mémoire, le déficit budgétaire de l’Italie était de 7,7% en 1995, réduit à 2,8% en 1998, année de l’examen de passage à l’euro l’année suivante ! Du jamais vu en aussi peu de temps. Une excellente affaire pour les banques en question, qui reçoivent du 4,625% d’intérêt sur des contrats venant à échéance dans la période 2016-2036, tout en se finançant à très bas prix auprès des banques centrales. Des banques italiennes pourraient ainsi être soutenues de manière occulte.
L’exposition totale de l’État aux produits dérivés est de 160 milliards d’euros, selon un rapport présenté au parlement italien en mars 2012. Si des pertes du même ordre que sur l’échantillon analysé devaient être enregistrées, le défaut serait inévitable à l’échéance, car le déficit plongerait. A l’époque, Bloomberg avait calculé que les pertes potentielles sur ces contrats étaient au minimum de 31 milliards de dollars.
La Guardia di Finanza enquête. On ne sait toujours pas si Mario Draghi a été impliqué dans cette opération de maquillage des comptes : au début des années 90, il était cependant directeur général du Trésor, avant de rejoindre Goldman Sachs en 2002.