Billet invité. Edit du 30/05/13 : En préconisant la dette perpétuelle, je dois le reconnaître, je plaisantais ! Mon intention était de pousser le raisonnement à son propos jusqu’au bout. J’évoquais la possibilité de commissionner les émetteurs de ce genre de titres obligataires, au prétexte qu’ils permettaient aux investisseurs d’accroître leur implication sur des marchés à haut rendement ; cela pouvait mettre la puce à l’oreille, d’autant que j’avais changé en « Exercice de style » l’habituel « L’actualité de demain » de la chronique !
Que penser de la dette perpétuelle ? Que son émission règle par construction le problème de son remboursement, mais que cela n’est pas souhaitable dans une situation marquée par l’hypertrophie des actifs financiers (rapport de un à dix par rapport à « l’économie réelle » mesurée en termes de PIB). Une restructuration s’appuyant sur une remise de peine (décote) aurait au contraire comme conséquence de réduire le volume de ces actifs, ce qui serait une mesure de salut public.
Nous vivons un effroyable malentendu ! Tous nos efforts visent à difficilement rembourser une dette plantureuse que nous devrions au contraire chérir, et il en résulte une détérioration de l’activité économique et de la vie de dizaines de millions de gens. Tout cela parce que nous ne raisonnons pas comme il faut !
Posons le problème correctement. Le monde financier vacille à l’idée que la dette pourrait ne pas être remboursée, les débiteurs insolvables pour avoir trop emprunté. La solution est pourtant simple : il suffirait de restructurer cette dette en la transformant en dette perpétuelle. Qu’est-ce donc qu’une dette perpétuelle ? C’est une dette que l’on ne rembourse jamais, mais dont on règle les intérêts. Ainsi, pas de risque de défaut. Cette formule a d’ailleurs déjà été utilisée lorsque l’endettement devenait trop important, au lendemain d’une guerre par exemple. David Cameron, le premier ministre britannique, y a incidemment récemment fait référence.
Avant de voir tout l’intérêt d’une telle démarche, revenons un peu en arrière. À quoi sert la dette ? À assurer le financement des déficits des États et des particuliers, apportant ainsi sa contribution au bon fonctionnement de la société. Mais elle a une autre fonction, quand il s’agit de la dette publique : elle sert de point d’appui au système financier, étant donné la garantie de remboursement à laquelle elle est normalement associée. Supprimez cette garantie, et c’est le grand chambardement assuré dans celui-ci, on en a actuellement une idée ! C’est donc une fausse piste.
Comment assurer au contraire la pérennité du système ? En lui procurant cet indispensable point d’appui et en posant comme principe que la dette publique n’est pas destinée à être remboursée. Le système bancaire peut alors revenir à ses saines occupations et distribuer d’autant plus de crédit qu’il peut s’appuyer sur cette valeur sûre que redevient alors la dette publique. En cas de nécessité, la dette peut continuer à être achetée ou vendue sur le second marché, entre créditeurs. Ainsi, elle continue de jouer son rôle d’amortisseur du risque au bilan des établissements bancaires.
Autre aspect du problème, ce mécanisme contribuera a baisser l’intérêt de la dette puisque, et par définition, la prime de risque liée à la possibilité d’un défaut ne se justifiera plus. Le taux de celle-ci aura pour unique base la prime de liquidité, destinée à compenser du point de vue de l’investisseur le moindre rendement de la dette publique par rapport à celui d’autres produits financiers. Mais il sera tenu compte, pour déterminer sur le marché le taux de cette dernière, du fait que la détention de dette publique permet d’accroitre l’effet levier des établissements bancaires et donc d’augmenter leur encours de crédit et le volume des intérêts qu’ils perçoivent. Pour cette raison, on pourrait même imaginer que les émetteurs de la dette publique puissent à ce titre prétendre à une commission…
Quoi qu’il en soit, un faible taux d’intérêt permettra aux États d’émettre un grande quantité de dette perpétuelle sans que le service de la dette – dans ces conditions réduit au payement des intérêts – ne déséquilibre leur budget. Un tel mécanisme aura un autre effet. Le rôle des débiteurs publics des banques sera reconnu comme tel : ils seront indirectement leurs financiers, aux côtés des actionnaires et des créanciers. À ce titre, ils auront donc leur mot à dire sur l’activité de celles-ci, rôle qui devra leur être reconnu. Après tout, ne l’est-il pas déjà, à considérer ces obligations convertibles dénommées Cocos qui sont transformées en actions, suivant un mécanisme décidé à l’avance, afin de renforcer les fonds propres ? On les appelle des quasi fonds propres pour cette raison.
Il ne reste plus qu’à écrire l’éloge de la dette, puis à engager l’émission d’une nouvelle génération d’obligations souveraines perpétuelles afin d’en augmenter le volume. Disons-le sans ambages, il est temps que la dette cesse d’être vilipendée et que sa contribution soit reconnue !