Billet invité
Ils s’y mettent tous ou presque, y compris José Manuel Barroso (qui ensuite recule), mais le gouvernement allemand tient bon dans l’adversité : il réaffirme sa stratégie de désendettement et d’amélioration de la compétitivité en dépit de son absence de résultats. Cela lui est d’autant plus aisé qu’aucune stratégie alternative ne lui est opposée. L’assouplissement qui est demandé est déjà pratiquement acquis et se traduit au cas par cas par un allongement du rythme de réduction du déficit ou du remboursement des prêts. Sans autre effet que de gagner du temps pour un résultat très incertain, à enregistrer les annonces de nouvelles mesures de rigueur budgétaires à venir. L’essentiel est de rester inscrit dans le cadre prescrit.
Les effets pervers de cette stratégie sont connus, la rigueur budgétaire ayant précipité l’Union européenne (pas seulement la zone euro) dans la récession. Il paraît donc de bon sens d’en demander la révision. Mais l’ampleur du désendettement n’a toujours pas été prise en compte, car cela serait dérangeant, impliquant un changement stratégique radical. Après l’avoir longtemps nié, il est désormais reconnu que le système bancaire a également un sérieux problème dans ce domaine, qui n’est donc pas réservé aux seuls États. Il est donc désormais prévu qu’une décennie sera nécessaire pour globalement le résorber, et qu’il faut en attendant tenir sur le même registre.
Les analystes s’en tiennent généralement à la vision d’un déséquilibre au sein de la zone euro, auquel il faudrait remédier : un peu moins d’austérité pour le Sud, un peu plus de relance pour le Nord, mais pour l’instant ils doivent constater que celui-ci s’accentue sans savoir comment l’en empêcher. Cette vision qui ne veut voir dans la crise que ses spécificités européennes et ses défauts de construction induit qu’il suffirait de les corriger. Mais elle évacue un autre trait européen tardivement identifié : l’étroite dépendance financière réciproque du système bancaire européen et des États, qui n’est toujours pas dénouée. Et rares sont les analyses qui se situent au niveau global, incluant les États-Unis et le Japon dans la même appréciation.
Avec le pacte fiscal, l’union bancaire est le second pilier de la politique poursuivie au sein de la zone euro. L’idée nouvelle était que les banques doivent se renflouer par leurs propres moyens. Or ce projet n’avance pas, et le gouvernement allemand, satisfait d’avoir obtenu gain de cause sur le premier pilier, multiplie les obstacles à la concrétisation du mécanisme de renflouement financier. Le dernier en date a été la nécessité de réviser préalablement les traités européens. Le modèle chypriote serait-il clairement adopté, le compte n’y serait toujours pas, renvoyant le reste de l’addition aux États, à l’opposé de la déconnexion recherchée.
Le désendettement des banques pèse sur une économie déjà atteinte par la récession, en raison du choix qu’elles ont fait de réduire la taille de leur bilan plutôt que d’accroître leurs fonds propres, dans le but de limiter la baisse de leur rendement. On voit fleurir des analyses sur la nécessité de réduite le poids de l’intermédiation bancaire dans le financement des PME – les grande entreprises ayant accès au marché obligataire – sans grands résultats pratiques. Mettre sur pied de nouveaux financements alternatifs ne s’improvise pas et aurait comme fâcheuse conséquence de faire supporter le risque par les structures non bancaires et non contrôlées s’y impliquant…
La relance reste du domaine de l’invocation. Non pas que des projets et des études ne dorment pas dans les tiroirs, notamment à Bruxelles où cela ne manque pas, mais parce qu’ils éludent tous la même question : quels peuvent être les domaines de compétitivité internationale de l’Europe dans ce monde qui continue de basculer ? Dissocier la réflexion à ce sujet de celle portant sur la réforme du système monétaire international et de ses dysfonctionnements structurels – qui ne se limitent pas aux conséquences immédiates de la guerre des monnaies – ne mène pas loin. S’il doit être remédié à un déséquilibre, celui-ci est mondial. Cela passe par l’adoption d’une monnaie type bancor ainsi que par la mise en œuvre de stratégies de développement reposant sur la satisfaction des besoins, et non pas sur l’optimisation financière.
Une nouveauté est brusquement survenue. La lutte contre l’évasion fiscale est revenue en force sur le devant de la scène. En raison des besoins financiers des États, mais également pour une raison plus politique, bon terrain s’il en est vis-à-vis de citoyens auxquels il est demandé des sacrifices. Jusqu’où iront les velléités actuelles ? L’adoption des échanges automatiques d’information mobilise toutes les attentions, mais l’on sait que deux domaines font l’objet d’évaluations dans des groupes de travail moins exposés aux projecteurs : l’optimisation fiscale des entreprises et les sociétés écrans type trusts et fiducies qui font obstacle à la transparence proclamée. C’est sur ces deux questions qu’il pourra être jugé de la portée des intentions !
Dans l’immédiat, méditons sur la vision que vient de présenter Angela Merkel : l’Europe représente 8 % de la population mondiale, 25 % du PIB et 50 % des prestations sociales, a-t-elle souligné, pour en conclure : « Si nous voulons garder les prestations sociales, nous devons devenir plus créatifs, plus innovants ». On ne pourra pas dire que nous n’avons pas été prévenus !