Billet invité.
Honni pour les souvenirs cuisants qu’il a laissés quand il imposait pour ses prêts des conditions draconiennes, et poursuivant sur sa lancée à l’occasion, le Fonds monétaire international (FMI) n’arrête pas de tenir au fil des mois des propos déviants.
Certes, ses audaces sont limitées, mais lorsqu’on met bout à bout ses prises de position, les faits sont là. Son erreur de calcul à propos des coefficients multiplicateurs (qui mesurent l’incidence des coupes budgétaires sur la croissance) a été l’occasion d’une mise en cause du rythme de la stratégie européenne de désendettement, et les dettes grecque et chypriote ont été estimées insoutenables, brisant un tabou et conduisant à la restructuration de la première.
Intervenant sur des sujets plus larges, tout en reconnaissant comme « majeure » l’action des banques centrales, il a craint que celle-ci ne produise « des effets indésirables », le flot des liquidités gonflant le secteur du shadow banking et incitant les investisseurs (dont les fonds de pension, explicitement mentionnés) à se tourner vers les activités les plus rémunératrices et risquées. Et a constaté, à propos de la réglementation financière, que « les vulnérabilités demeurent et l’application des réformes est inégale », que de nouveaux produits financiers permettent de contourner les nouvelles réglementations et que « certains établissements mondiaux deviennent incontournables », accroissant les risques systémiques.
Le constat n’est pas rien, mais sa portée est relative. Car si le FMI est entendu, il n’est que peu écouté. Ainsi, s’il préconise de faire payer au secteur financier « une part équitable » de la crise, cela s’arrête là. « Un fonds commun de garantie, de préférence financé au préalable par des taxes sur le secteur bancaire, pourrait réduire le coût [d’une faillite] pour les contribuables », insiste-t-il, mais rien de tel n’est aujourd’hui en chantier. Concrètement, il ne peut se prévaloir que de son accord, donné du bout des lèvres, aux mesures restrictives prises par certains pays émergés pour se protéger dans la « guerre des monnaies » déclenchée par les autorités américaines.
Le FMI marche-t-il d’ailleurs toujours du même pas ? Le président du parlement européen, Martin Schulz, a dernièrement mis le doigt sur ses contradictions à propos du Portugal, censé accélérer et freiner à la fois les mesures de rigueur. Des désaccords internes affleurent aussi parfois, lorsque le Bureau d’évaluation indépendant (IEO) du Fonds, affirme qu’il « n’a pas fourni d’argument convaincant expliquant en quoi des réserves ‘excessives’ constituaient un problème pour le système monétaire international », ce qui lui vaut in petto d’être accusé de « se tromper » par Christine Lagarde, dans son rôle de gardienne du temple des analyses et intérêts du gouvernement des États-Unis d’Amérique vis à vis de la Chine.
La voix du FMI est, il est vrai, souvent assimilée à celle des États-Unis – qui disposent en son sein d’une minorité de blocage sur les grandes décisions – et les distances que celui-ci prend avec la stratégie européenne ressemblent en tout point à celles que l’administration américaine se contente de susurrer. Le Congrès US continue d’ailleurs de bloquer la réforme de la gouvernance du FMI, qui vise notamment à accroître à la marge la présence de la Chine au sein du conseil d’administration. Sa ratification conditionne pourtant l’accroissement des ressources permanentes du Fonds, voté dans son principe mais dépendant de la distribution des quotes-parts et donc des droits de vote.
De quoi le Fonds pourrait-il être le vecteur dans l’avenir ? Au plus fort de la crise européenne, l’hypothèse avait été émise qu’il puisse venir en renfort financier, autrement qu’en appoint comme cela a été le cas, suscitant alors de sérieuses réserves des pays émergés. La question n’est plus d’actualité. Faute d’utilité, son autorité est depuis diminuée, mais elle pourrait retrouver l’occasion de se manifester lorsque l’Espagne devra à son tour être sauvée.
Condamné à n’être qu’un pas en avant et pas davantage, le FMI n’est pas en mesure de formuler une stratégie alternative de désendettement. La recette du savant cocktail de rigueur et de relance préconisé par sa directrice générale, toujours évoquée, n’est jamais donnée. Son temps pourrait toutefois venir, si une réforme du système monétaire international prenait corps, car il en serait un instrument de transition tout trouvé, grâce à sa monnaie, les droits de tirage spéciaux (DTS). Mais c’est une affaire de longue haleine dont on ne voit pas aujourd’hui qui en prendrait l’initiative. Les dévaluations compétitives s’additionnent, la guerre monétaire couve, mais les États-Unis ne se rendent pas.
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