Billet invité.
Le coup de grâce au projet européen Liikanen de séparation des activités bancaires – destiné à protéger les dépôts des activités à risque – vient d’être donné par le gouvernement allemand. Faisant suite au projet de loi français qui a ouvert le chemin, et dans la même lignée, celui-ci exonère dans la pratique la quasi-totalité des banques allemandes de toute réforme, à l’exception de la Deutsche Bank, de Commerzbank et de LBBW, la principale banque régionale (Landesbank).
Il repose sur le principe d’une séparation illusoire des activités de trading pour compte propre lorsque celles-ci représentent au moins 100 milliards d’actifs au bilan des banques ou 20% de celui-ci. À ce titre, il ignore superbement la difficulté – insurmontable du dire des connaisseurs, dont Errki Liikanen – qu’il y a à identifier séparément ces activités de celles que la banque opère pour le compte de ses clients, notamment celles de « teneur de marché » – la garantie donnée par une banque à un client que tel titre qu’il possède va rester liquide, c’est à dire qu’il pourra s’en défaire – qui est toute aussi risquée pour la banque.
Le projet Liikanen avait pour objectif de protéger les dépôts et de placer les actionnaires et les créditeurs des banques d’investissement devant leurs responsabilités en cas de pépin. C’est raté, car visiblement insupportable. L’étendard de la défense de la banque universelle a été levé, ce modèle présenté comme indispensable à la contribution des banques européennes à l’activité économique, expression en réalité de leur faiblesse financière vis-à-vis de leurs concurrentes.
Le dernier volet du projet d’une union bancaire présentée comme une grande oeuvre, dont le premier concerne la supervision des banques par la BCE mais tarde à être défini, consistait à créer un système d’assurance grâce auquel les banques financeraient elles-mêmes tout renflouement. Telle que la contribution des banques à celui-ci était dimensionné, il n’était pas réaliste de penser qu’il aurait les moyens de remplir cette mission, si l’on observe les montants en jeu lorsque les sauvetages bancaires sont mis en œuvre. S’inscrivant dans cette même logique, il n’est même plus évoqué !
Le Parlement français doit à partir du 12 février examiner le projet de loi qui lui est présenté. C’est l’occasion pour Jean-Claude Chifflet, le président de la Fédération bancaire française (FBF), de monter sans attendre au créneau en préconisant un report à 2017 de l’application de la loi, soutenu par les Pdg de BNP Paribas et de la Société Générale lors de leurs auditions en commission des finances. S’agit-il d’une demande de dernière minute, les autres ayant été satisfaites, ou d’une manœuvre permettant au ministre de paraître jouer la fermeté pour mieux faire passer le reste ?
Il y a des questions que l’on préférerait ne pas devoir poser…
PS : A lire sur ce sujet, l’excellent article de Martine Orange : Banques : Les députés découvrent une réforme minuscule, notamment pour son rappel du rapport de l’Autorité de Contrôle Prudentiel du 16 janvier dernier (accès réservé aux abonnés de Mediapart).