CES CORIUMS QUI NE SE LAISSENT PAS IGNORER, par François Leclerc

Billet invité

Dans les entrailles de la centrale de Fukushima, il continue de se passer des choses inexpliquées par l’opérateur, car en rapport avec des coriums dont il ne dit au grand jamais un seul mot. Ainsi, la concentration d’hydrogène a augmenté au sein du réacteur n°1 après le séisme du 7 décembre, un phénomène dont l’origine est attribuée au « craquage » de l’eau au contact du corium, qui libère de l’hydrogène et de l’oxygène ; ou 1.300 mètres cubes d’eau contaminée se sont comme évanouis du réacteur n°2 en l’espace de 7 jours, résultat de ruptures présumées de tuyauteries reliant le réacteur et le tore (l’anneau de dépressurisation) dans une zone où pourrait se trouver le corium, que l’envoi d’un robot d’observation n’a pas permis de confirmer.

L’existence des trois coriums a tardivement été reconnue du bout des lèvres par Tepco, mais leur localisation est restée depuis un mystère entretenu. Les moyens techniques permettant de les localiser ne manquent a priori pourtant pas, que ce soit la thermographie (qui détecte les sources de chaleur) ou bien la gammamétrie (qui localise les émissions gamma), mais tout se passe comme s’ils n’avaient pas été mis en œuvre (ou comme si le résultat des investigations n’était pas rendu public). Le blackout sur le sujet étant total, on en est réduits aux supputations : où se trouvent donc ces coriums, depuis qu’ils ont percé dans les premières heures de la catastrophe les cuves des réacteurs (confinement primaire) ? Le haut niveau de radioactivité au fond des bâtiments des réacteurs témoigne de leur présence, déduite aussi de tel ou tel événement.

L’injection d’azote prévient la réédition des explosions d’hydrogène qui ont déjà produit leur dévastation dans les trois réacteurs en activité, mais de l’eau contaminée rejoint probablement la mer, dans laquelle elle se déverse via des tranchées techniques ou ruisselle par les sols. Comme on le sait, de bouilloire la centrale est devenue passoire, et s’il est possible de limiter la contamination vers le haut en encapuchonnant les réacteurs avec des structures légères, dont une seule est terminée, il se révèle beaucoup plus difficile d’en faire autant de celle qui s’échappe par le bas. Toute injection de béton sous les réacteurs, à la manière de ce qui avait été réalisé à Tchernobyl afin d’éviter le franchissement par le corium de la semelle de béton en la renforçant, serait-il même envisageable en raison des masses d’eau contaminée imprégnant les sols ?

L’activité sismique est un autre sujet permanent de préoccupation, à propos duquel il n’est communiqué que pour en nier à chaque alerte les conséquences. Non seulement en raison de son rythme soutenu, mais aussi parce que les épicentres se concentrent en mer au large de la centrale. La succession renouvelée de secousses sur des structures déjà très éprouvées représente pourtant un incontestable danger, en particulier s’agissant de la piscine n°4 où est stockée en grande quantité du combustible. Tepco a d’ailleurs annoncé vouloir accélérer son déchargement : les travaux devraient finir en décembre 2014, un an plus tôt que prévu, mais c’est encore dans deux ans…

Le simple état des lieux est loin d’être réalisé, car non seulement le niveau de la radioactivité interdit aux humains de pénétrer durablement au sein des réacteurs, et même pas du tout dans certaines de leurs zones, mais les robots télécommandés envoyés en mission d’observation rencontrent de grandes difficultés à se déplacer dans l’intérieur mouvementé des réacteurs, de plus encombré par les débris des explosions. Lorsque l’on parle de démantèlement, ce petit détail est souvent oublié : les installations ne sont plus en état. Jusqu’à quand cette fiction, qui vaut celle du retour sur leurs terres des 160.000 Japonais évacués, va-t-elle être maintenue ?

C’est dans ce contexte que les valeurs boursières des électriciens – dont celle de Tepco – ont rebondit à Tokyo, saluant l’arrivée au pouvoir du Parti libéral-démocrate (PLD) qui veut forcer deux décisions : une relance massive de la planche à billets pour financer un programme de grands travaux confié au BTP et le redémarrage progressif du maximum de centrales nucléaires. Deux fuites en avant.

Dans la série « des centrales construites sur des failles actives », deux professeurs japonais de l’Université de Tokyo estiment qu’il y a « une forte probabilité » pour que l’usine de retraitement de Rokkasho, qui n’est pas encore en exploitation, ait été construite dans la zone de l’une d’entre elles. Six installations sont en cours d’examen, dont celle de Higashidori où des suspicions de faille active viennent à leur tour d’être relevées.

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31 réponses sur “CES CORIUMS QUI NE SE LAISSENT PAS IGNORER, par François Leclerc”

  1. Abe et son gouvernement….le pire des tsunami!
    Genre de contre feu par rapport aux études faisant état de faille active sous 2 sites nucléaires, ils viennent d’annoncer leur intention de trouver un endroit « sûr » au Japon pour y construire une nouvelle centrale nucléaire.

  2. Bonsoir
    Une idée avant la fin du…euh…de l’année…
    Au lieu d’afficher à la une de tous les médias les sempiternelles platitudes et inepties uniquement faites pour nous désinformer …il serait préférable de lire chaque matin un de vos articles sur Fukushima et sur les entourloupes du Système, j’y ajouterai un zest (j’y tiens) de dedefensa, une lichette de média pro palestinienne, pro russe et pro iranienne, histoire de changer, je n’ai pas dit pro extrémiste… allez un brin de monsieur Berruyer , sans oublier Msieur Jorion, bien sûr…. allez que ceux que j’oublie me pardonnent, Je ne suis pas le Père Noël…

    Et bonnes fêtes

    J’oubliais , pourquoi?
    parce que si le monde ne s’arrêtera pas demain, il va continuer à se rendre malade de notre inaction!!

    1. « Une idée avant la fin du…euh… »

      Bonsoir à tous… ici Ju en direct de la Terre…
      Ecoutez… voilà bientôt une heure que nous sommes le 21… et ma foi, pour le moment, rien de particulier à vous signaler… des gens entrent dans des bars, en sortent… certains hèlent les taxis, des jeunes rient sur leur Vélib’…
      Bon, je reste sur le coup et vous tiens au courant si quoique soit d’inhabituel survenait…
      Ici la Terre… à vous les studios

      Merci Ju… courageux Ju, toujours au plus près de l’information… à tout à l’heure pour de terribles nouvelles de la Terre… Une apocalypse en direct live à contempler sur Canal-Canal…
      Et tout de suite une page de Pus…

    2. Depuis que je parcours le blog de Paul Jorion, quatre ans à peu près, et que par ce biais j’ai découvert d’autres sites riches d’informations vraies (merci aux commentateurs) j’ encourage mon entourage -familial- amical- professionel- et j’en passe, d’aller y puiser l’absolu nécessaire. Je sème, je sème……. après à chacun de se prendre en main, d’ouvrir les yeux ou de rester la tête dans le sable, à chacun de faire suivre

    3. Repas de Noël. Dans la gamelle : du Leclerc en tranches fukushimesques, un zeste de Dédé Fensa, un hachis pro palestinien, du pro iranien en julienne, un fond de sauce pro russe, une tête de veau biturige désactuarisée; servir nappé d’un coulis de Jorion. Joyeuses fêtes.
      Cette délicieuse recette vous est gracieusement offerte par la société RECKITT BENCKISER HEALTH (Gaviscon®)

      1. Sans oublier pour que le repas soit digeste, un saupoudrage de pétales « peacemaker » par drones Delfly micro. Bon appétit.

      2. Nous suggérons de faire passer le tout avec du Lacryma Christinae blanc du domaine de Fmi, mûri à l’ombre du Vésuve.

  3. Elections Japonaises : la page Fukushima est tournée.
    Titrait Pujadas au « 20 heures. »….
    Qui nous entretient tout de même sur Bugarach et Nibiru…… pas la centrale, non la planète X et la fin dans le monde. 🙁

  4. La fin du monde fantaisiste prévue ce jour occupe beaucoup de place dans les « grands medias ». Elle les intéresse beaucoup plus que ce sujet ou d’autres, comme les autres crises environnementales, la destrucution des liens sociaux et tous les méfaits provoqués par les tsunamis libéraux-totalitaires.

  5. La civilisation maya a eu le bout goût – à moins que ce ne soit une sage précaution, vu le sort que les foules crédules réservent aux Cassandre approximatifs – de s’éteindre avant la fin du monde qu’elle annonçait. Le fait que certains d’entre nous donnent tête baissée dans le canular numérologique qu’elle nous lègue est révélateur d’une chose : que si notre bêtise continue sur cette pente, il se pourrait fort que notre civilisation disparaisse à son tour avant la fin du monde, ce qui donnerait raison non pas tant aux Mayas qu’à Schopenhauer.

    1. BRL,

      Un bon Empire amérikain est un Empire mort.

      Dixit Maya l’abeille, bzugh !

      Le miel Maya sent le sapin.

      Winnie l’ourson.

      1. Un petit voyage Allais sans retour pour Palenque te ferait du bien. Là-bas, on mesure la température en degrés de pyramide. C’est pas sapin de se moquer.

        Teddy Bear.

  6. …une relance massive de la planche à billets pour financer un programme de grands travaux confié au BTP et le redémarrage progressif du maximum de centrales nucléaires. Deux fuites en avant.

    Le monde entier se nourrit sur le principe de la fuite en avant pour la simple raison que la fuite en avant est l’essence de l’économie.

    Je reviens sur un sujet qui m’est très cher et tout autant déplaisant.
    Je suis persuadé que ceux qui exercent la gouvernance raisonnent à propos du nucléaire sur un principe très simple qui consiste à croire que puisqu’il n’est pas possible de revenir en arrière autant continuer à avancer.

    1. … puisqu’il n’est pas possible de revenir en arrière autant continuer à avancer.

      Et comme la fin du monde est pour bientôt il n’est pas utile de chercher à le transformer !

    1. @Macarel: mélangez pas tout. Sans démocratie (ou qqch qui s’en rapproche), les réacteurs n’auraient même pas été arrêtés. Et puis il n’y a pas eu de référendum sur la question. Et puis la démocratie ne vaccine pas contre les conneries ponctuelles (et il n’y a rien qui le fait, c’est pourquoi des conneries nous en faisons tous un jour ou l’autre).

      1. He bien ça promet du bon temps pour ce qui se passera en Chine. Vu le nombre de réacteurs nucléaires en construction et la façon dont travaille les Chinois (quand on peut faire n’importe quoi à l’abri des médias ; on fait n’importe quoi; le fait que les choses arrivent à ce savoir en France nous a sauvé pour le moment, mais jusqu’à quand ?), on peut être sûr que la prochaine catastrophe sera Chinoise.

  7. – Dis-moi mon Rodrigue, as-tu du corium ?
    – Je suis radioactif en sentiment.
    Plus j’enfouis mes vapeurs en vous aimant,
    Plus mon plaisir approche du summum.

  8. Il semble que les conséquences d’un nouveau tsunami ne puissent être envisagées puisqu’ils sont trop exceptionnels et la hauteur de leurs vagues trop incertaine pour qu’on puisse s’y préparer.

    Par contre les tremblements de terre étant une chose tout à fait habituelle au Japon, la première chose à faire à Fukushima serait d’en protéger ce qui reste encore debout ainsi que que les installations de pompage et de stockage de l’eau utilisée pour refroidir les trois coriums et les cinq ou six piscines où se trouve encore et pour longtemps le combustible irradié(*): si un nouvel « incident » se produisait il n’est pas du tout évident que le pompage et stockage pourrait se poursuivre.

    De nombreux indices semblent suggérer que les moyens financiers dont dispose TEPCO sont limités et que ceux sont eux qui déterminent ce qui est entrepris ou pas à Fukushima.

    L’incapacité du nucléaire à prendre en compte non seulement les évènement tout à fait exceptionnels mais aussi les évènements fréquents dont l’ampleur est imprévisible n’est pas le fait du seul Japon. Exemples:
    – serait-il possible de protéger nos centrales nucléaires et nos piscines de combustible irradié des bombardements qu’elles auraient à subir en cas de guerre?
    – que se passerait-il en cas de crue hors norme inondant complètement une de nos nombreuse centrales placées au bord d’un fleuve?
    ___
    * : Il serait logique d’évacuer vers un emplacement moins exposé les barres de combustible irradié qui se trouvent actuellement dans les deux ou trois piscines de Fukushima qui n’ont pas souffert des explosions mais il ne semble pas qu’il en soit question.

  9. Un petit coup d’oeil ici pour se consoler de cette fin du monde bidon : http://www.jnfl.co.jp/english/operation/

    C’est raté pour ce coup-ci mais le prochain se prépare (radio)activement ! Les munitions sont en place, le démarrage effectif du retraitement est prévu en octobre 2013 (ça leur aura pris 20 ans pour faire une copie de la Hague ! Sont-ils mauvais, ces japonais, ou AREVA leur a-t-il caché des secrets de fabrication ?)

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