Billet invité
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Quel plan se dessinait la semaine passée à Rome qu’Angela Merkel a refusé ? Ses trois interlocuteurs, Mario Monti, Mariano Rajoy et François Hollande y ont défendu l’utilisation du FESF, et bientôt du MES, pour renflouer directement les banques sans alourdir le déficit public – et déconnecter ainsi les deux dettes – ainsi que pour acheter des obligations souveraines afin de détendre le marché. L’Espagne et l’Italie seraient les premiers bénéficiaires de ces mesures.
Mais il y a un « hic » à ces dispositions qui visent à résoudre des problèmes criants à court terme. Les moyens additionnés dont ces deux fonds vont disposer seraient vite épuisés, impliquant soit de les accroître en faisant appel aux États qui les financent, soit d’accorder au MES une licence bancaire qui lui permettrait d’accéder aux robinets de liquidités de la BCE… La mutualisation à la légère et à ses frais de la dette, ainsi que l’intervention de la BCE pour soulager le roulement de la dette publique sont les deux tabous que la Bundesbank se refuse à briser.
Dans la logique où se sont placés les dirigeants européens, il n’y a en effet que deux moyens de financer l’allongement du calendrier du désendettement : en empruntant davantage aux marchés ou en faisant appel à la générosité proverbiale de la BCE. C’est cela ou se préparer demain à de nouvelles restructurations de dette, sur le modèle grec.
Une discussion entre les ministres des finances de la zone euro n’a pas abouti lors de leur réunion de vendredi dernier à Luxembourg, une de plus ! Il était question de savoir si le renflouement des banques espagnoles, qui sera réalisé via l’État, aura ou non le statut de dette senior, c’est-à-dire mieux protégée que les titres détenus par les créanciers privés. On ne saurait mieux souligner, en accordant toute son importance à cette question, qu’une future restructuration de la dette espagnole est dans toutes les têtes, sinon dans toutes les bouches. L’argument de ceux qui s’y opposaient était qu’une telle décision risquait d’effrayer les investisseurs et de précipiter encore plus les événements… Comme si le mal n’était pas déjà fait et les marchés convaincus qu’il faudra tôt ou tard en passer par là… L’Institute of International Finance a déjà crée une commission de réflexion ad hoc, avec les représentants de la BCE et des administrations nationales du Trésor.
Depuis le FMI jusqu’à la BCE, sans compter la plupart des dirigeants européens, une sorte de front tente de faire plier le gouvernement allemand, afin de ne pas en venir à ces extrémités. Faute d’y parvenir, et pour faire bonne figure, les dirigeants européens se sont rabattus à Rome sur l’annonce d’un plan de croissance mobilisant 1% du PIB européen, mais ils n’ont convaincu personne. Mercredi prochain, Angela Merkel sera à Paris pour rencontrer François Hollande, pour un « dîner de travail » de la dernière chance, afin de tenter de sauver le sommet européen des 28 et 29 juin.
Opportunément, une interview d’un haut fonctionnaire non identifié du ministre des finances allemand paraitra lundi dans Der Spiegel, qui décrit en termes sévères les conséquences pour l’Allemagne d’un effondrement de la zone euro. Selon lui, l’économie allemande pourrait se contracter de 10% et le chômage passer de 2,8 à 5 millions des actifs. « Par comparaison avec de tels scénarios, un sauvetage, aussi coûteux qu’il soit semble un moindre mal » est le message qui est passé à toutes fins utiles.
Afin de l’éviter, le gouvernement allemand a bien une solution sur le tapis. Mais elle a le grand défaut d’être pour plus tard, tout comme le retour de la croissance qui selon lui résulterait de la réalisation de « réformes structurelles » : s’engager sur la voie d’une union politique renforcée, qui passerait par des abandons de souveraineté, tout en s’inscrivant dans le cadre de la stratégie moribonde de désendettement qu’il défend.
« Jusqu’à présent, les États membres de l’Europe ont presque toujours le dernier mot. Cela ne peut pas durer », affirme Wolfgang Schäuble dans Der Spiegel, voulant outrepasser les oppositions. L’hebdomadaire présente le ministre des finances allemand comme favorable à une transformation de la commission en véritable gouvernement, à un renforcement du Parlement et à une élection au suffrage universel du président de l’Union européenne. Il conclut en affirmant « Une désintégration de l’Union serait absurde. Les liens se font de plus en plus étroits dans le monde et en Europe, et chaque pays choisirait son propre chemin ? Cela ne peut, ne doit pas être et ce ne sera pas ».
A défaut de prendre des mesures concrètes, les dirigeants politiques se préparent à suivre la ligne de plus grande pente : celle de l’affirmation de grands principes qui ne mangent pas de pain. Cela ne mène pas loin, par les temps qui courent.
Les chances du Mouvement de Gauche(Fédération Wallonie Bruxelles).
http://www.larevuetoudi.org/fr/story/les-chances-du-mouvement-de-gauche
Discours fondateur de Bernard Wesphael – Namur – 23 juin 2012:
http://www.youtube.com/watch?v=oIxkfv0E1W8
http://www.lemg.be/
Un peu de grain à moudre :
La loi GUTT : les titres créés après le 6 octobre 1944
Le Ministre des Finances, Camille Gutt, réfugié à Londres, mit à profit son séjour pour mettre au point l’opération qui allait porter son nom et remettre la Belgique sur le chemin d’une nouvelle prospérité dès la fin de la Guerre.
Il fallait, tout d’abord, neutraliser la terrible inflation provoquée par les Allemands qui avaient fait fonctionner la « planche à billets » sans aucuns scrupules.
Il fallait aussi ponctionner les importants bénéfices irréguliers que certains ne se sont pas gênés de faire pendant l’occupation. Quelques jours après la libération tous les comptes furent bloqués, l’argent rentré et remplacé par une somme de 2.000 frs par personne. Les nouveaux billets de banque, imprimés en grand secret en Angleterre, furent acheminés en Belgique tout aussi secrètement.
Les titres au porteur durent être remplacés par des nouveaux titres ou être régularisés par l’Institut Belgo-Luxembourgeois du Change. Pour les nouveaux titres, ils devaient porter la mention: « titre créé après le 6 octobre 1944 » . Tous les titres ne portant pas cette mention étaient donc sans valeur boursière. Des exceptions, comme par exemple, les titres de faible valeur ou les patrimoines de certaines ASBL comme les ordres religieux ou les organisations caritatives.
Idem en Allemagne en juin 1948 : « Une nouvelle unité monétaire imprimée aux États-Unis, le Deutsche Marknote 4, remplace enfin dans la trizone le Reichsmark, toujours utilisé depuis la fin de la guerre. Le taux de change initial était de 1:1 pour les 40 premiers Reichsmarks, puis de 10:1 pour les suivants. Ce change eut un effet désastreux pour les personnes qui possédaient des capitaux en liquide. » (Wikipedia).
Effectivement ma grand-mère a toute sa vie regretté de n’avoir pas davantage remboursé le crédit de la grande ferme construite par mon grand-père en 1936, lequel a ensuite disparu du côté de Michailowka en janvier 1943 en laissant 4 enfants en bas âge (il doutait de l’aventure hitlérienne, il s’est retrouvé à 34 ans sur le front de l’est).
Mais lors de ces réformes monétaires, les chars étaient encore dans les rues. Ca aide.
Pour les Allemands, la peur de la dévaluation de la monnaie correspond certes à des souvenirs d’hyperinflation dans les années 20, mais certainement aussi à ceux de cette réforme monétaire imposée par les alliés et qui les a pris complètement au dépourvu. Ils n’ont pas pu prostester, puisque les chars étaient encore dans les rues, ça aide. Et puis rétrospectivement, ça a été un succès…
Et si on décidait une dévaluation de 100 pour 1 ou même de 1000 pour 1 avec l’Euro? Plus de problème de dettes, avec l’avantage que la promesse que « pas un épargnant ne perde 1 Euro » soit tenue!
Merci pour ce parallèle, que j’ignorais !
Finalement, la monnaie, c’est un peu comme la Terre… On la croit immuable jusqu’à ce qu’elle se dérobe sans crier gare…
A propos de la « générosité proverbiale » des banques centrales, ça commence tout de même à sérieusement ruer dans les brancards des hautes sphères (enfin ce qu’ils appellent eux, leurs « hautes sphères »).
En clair, s’alarme enfin la Banque des règlements internationaux (BRI), faudrait plus trop pousser mémère planche-à-billet dans les orties des gouffres à finance que sont les pays en déroute et les banques à la dérive.
Problème : qu’est-ce qu’ils deviennent, nos moribonds ? Et qui auront-ils contaminé avant leur repos éternel bien mérité ?
Excellent article, merci !
« soit d’accorder au MES une licence bancaire qui lui permettrait d’accéder aux robinets de liquidités de la BCE »…
Ainsi le but avoué est une escroquerie… les banques doivent se financer sur… les marchés financiers. Qu’est ce que c’est que ce monde bancaire où pour se financer il SUFFIT de se présenter au guichet avec du « papier » en guise de collatéral… Je croyais que ces opérations étaient limités à des crises de liquidités… et non à des « fournitures » illimitées vers les agents économiques de ces mêmes liquidités. C’est un dévoiement complet : 1° de la monnaie, 2° du rôle d’une banque centrale, 3° de la tenue de marchés financiers qui veulent dire quelque chose (taux)… Bref encore le n’importe quoi.
On n’est pas sorti de la crise avec des propositions de cet ordre…
« le ministre des finances allemand comme favorable à une transformation de la commission en véritable gouvernement, à un renforcement du Parlement et à une élection au suffrage universel du président de l’Union européenne. »
Ces gens seraient-ils extra-terrestres ?…L’UE est une structure labyrinthique, étouffée par sa propre pesanteur, la Rome impériale finissante fonctionnait avec dix fois plus de réactivité et d’opportunité. Et elle n’était pas prisonnière de milliers de lobbies.
Si on veut faire de l’UE le porte-avion d’une dictature, il suffit de continuer sur le chemin de moindre résistance et de s’auto-persuader de ce genre de propos complètement délirant.
Mais qu’ils mettent leurs réformes et leurs ambitions au feu du referendum. On verra ce qu’il en subsistera de leurs humeurs impériales et de leurs porte-monnaies gonflés.