Billet invité
Il n’y a finalement que deux manières de couvrir l’actualité de la crise européenne : en suivant la détérioration inexorable de la situation dans tel ou tel pays ou bien en enregistrant les manifestations de l’inébranlable foi du gouvernement allemand et de la Bundesbank dans une stratégie en déroute. Difficile de dire laquelle de ces lectures est la plus impressionnante.
Ces deux faces de la crise ne sont bien entendu pas étrangères l’une à l’autre, tout au contraire. La réaffirmation pure et dure, sans autres considérations, de la stratégie qui accorde la priorité au désendettement de l’État renforce la dynamique d’une crise qu’elle est censée régler. Les marges de manœuvre de ceux qui cherchent à promouvoir son assouplissement en sortent amoindries, voire inexistantes. Toutes les issues possibles sont en effet fermées les unes après les autres par la chancelière allemande, en dépit des incontestables capacités créatives dont font preuve ceux qui tentent de la faire fléchir.
Dernière victime en date, le conseil des économistes allemands – dénommés « les Sages » – qui a préconisé de créer un fonds d’amortissement sur 20 ou 25 ans de la dette dépassant les 60 % du PIB, que le Parlement européen avait ensuite repris à son compte. D’après la Bundesbank, ce projet aboutirait à diminuer les taux – ce qui est avec l’étalement de la dette précisément son objectif – et contreviendrait de ce fait à la nécessité de sanctionner les fautifs.
Au chapitre des suspicions, qui ne manquent pas, le gouvernement allemand craint que certains pays européens fassent supporter au FESF tout le poids de l’aide aux banques espagnoles, au lieu d’en partager la charge avec le MES. L’incidence est que la quote-part des garanties allemandes est plus élevée dans le premier cas. Le poids de l’intransigeance se mesure également à l’aune d’une nouvelle déclaration d’Angela Merkel, cette fois-ci à propos de la Grèce, selon laquelle « les élections ne peuvent remettre en question les engagements pris par la Grèce », en assortissant cette pétition de principe de la demande d’un retour rapide de la Troïka à Athènes, alors que le gouvernement grec n’est même pas constitué.
Joaquín Almunia, le vice-président de la Commission européenne, vient de lui prêter main forte sur un autre dossier brûlant : celui de l’Espagne. « Les portes des marchés lui sont ouvertes et je suis convaincu qu’elles vont le rester », a-t-il affirmé, ajoutant que l’on ne pouvait pas dire que l’Espagne avait « des problèmes de financement ». À ce stade, les bras vous tombent.
Afin de tenter de passer par un trou de souris, le quartet formé par Mario Draghi, José Manuel Barroso, Herman Van Rompuy et Jean-Claude Juncker cherche à faire avaliser un nouveau projet d’émissions d’euro-obligations. Chaque État – à condition d’être dans les clous plantés par le traité d’austérité budgétaire – pourrait en émettre une certaine quantité, proportionnellement à son PIB, mais de très courte durée. On ne compte plus les projets mort-nés.
Les dirigeants européens jonglent avec les trois concepts de l’union fiscale, bancaire et politique, en se disputant sur l’ordre dans lequel ils devraient être réalisés. À chacun son préalable et ses priorités, sans que le grand saut qui consisterait à les adopter tous trois soit concevable. Le quartet va tenter une motion de synthèse, qui devrait être rendue publique très prochainement, dans l’espoir qu’elle soit adoptée par le sommet européen de la fin du mois.
En politiques qu’ils sont, les artisans d’une stratégie assouplie qui se cherche ne voient d’issue que dans le rendez-vous de septembre 2013, date à laquelle les électeurs allemands sont convoqués. Avec l’espoir d’une progression social-démocrate qui changerait la donne et créerait les conditions d’un gouvernement de grande coalition avec la CDU-CSU. L’Espagne et l’Italie pourront-elles attendre cette hypothétique délivrance pendant les quinze longs mois à venir ?
Quant à la Grèce, tous les paris sont ouverts. Avec d’un côté le projet conjoint des deux partis susceptibles de gouverner ensemble – Nouvelle Démocratie et Pasok – de négocier deux ans supplémentaires pour atteindre un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) et une aide financière complémentaire de 16 milliards d’euros pour aider l’économie, et de l’autre des autorités allemandes qui montrent à la fois des signes de division et d’intransigeance. C’est tout du moins ce que révèle le Wall Street Journal. Pour les autorités européennes, la tentation est grande de conforter un gouvernement qui va en avoir beaucoup besoin. Mais cela nécessiterait que la Troïka passe l’éponge sur les résultats peu brillants du gouvernement sortant, qui n’a pas été en mesure de respecter sa feuille de route, et ne demande pas de coupes budgétaires complémentaires.
http://www.leap2020.eu/GEAB-N-66-est-disponible-Alerte-Rouge-Crise-systemique-globale-Septembre-Octobre-2012-Quand-les-trompettes-de-Jericho_a11063.html
Faut oser 🙂
Ma foi, les Mayas avaient d’une certaine façon raison: 2012 fin du monde « d’avant la crise »…
Ce n’est pas rassurant ce qui se passe en ce moment, il n’y a pas à dire…
Alors il faut faire l’amour. Toutes les amours.
Austria’s central bank governor Ewald Nowotny issued a thinly veiled rebuke to the ECB’s hawks yesterday, reminding them that deflation policies led to havoc in the 1930s.
“Due to misleading theories, a single-minded concentration on austerity led to mass unemployment, a breakdown of democratic systems and in the end to the catastrophe of Nazism. We must avoid the mistakes of the 1930s,” he said.
http://www.telegraph.co.uk/finance/financialcrisis/9340073/Spain-pleads-for-ECB-rescue-as-bond-markets-slam-shut.html
» (…)l’inébranlable foi du gouvernement allemand et de la Bundesbank dans une stratégie en déroute. »
Encore une fois, M. Leclerc vous visez juste en parlant d’inébranlable « foi ».
Je dois avouer qu’il y a quelque chose qui m’échappe et qui est exaspérant dans l’attitude de Merkel, de la Troïka et de tous les autres, les Monti, Rajoy, même Hollande et avant lui Sarko.
Quand on les écoute, on se demande s’ils ont bien les pieds sur terre.
Ils ne se disent pas: si ça ne marche pas on va faire autrement, envisager d’autres voies. Ils n’essayent pas de faire fonctionner correctement, de réguler… Non! Ils croient! Ils croient dans l’Euro, ils croient dans l’Europe (qu’ils vont détruire s’ils continuent comme ça), ils croient dans le désendettement… Même si c’est impossible, ubuesque, délirant, ils croient.
Et quand on lit leurs communiqués, ce ne sont que des prières, des incantations aux dieux Désendettement et Croissance.
Quand je pense qu’ils se prévalent d’un néo-libéralisme dont ils nous rebattent les oreilles que plus rationnel que ça, tu meurs!
C’est SI-DE-RANT!
Mais comme vous l’aviez dit dans un de vos billets précédents, ils essaieront tout pour « durer » même si en fin de compte cela précipite la chute.
Il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir…
La grêce sortira de la zone €, que leur gouvernement le veuille ou non…C’est déjà dans les tiroirs.
De plus, de mes informations, il y a des « bank runs » gigantesques qu’on essaye de dissimuler partout…Même en France, les liquidités commencent à manquer un peu partout…toutes les banques rivalisent d’astuces pour vous empêcher de pouvoir vider vos comptes d’un seul coup…
Essayez de cloturer et vider un de vos comptes juste pour rigoler, vous verrez.
C’est lorsque le bateau s’enfoncera dans l’eau complètement, que tout le monde comprendra ce qui est en train de se passer…
A bon entendeur,
Oui…et les cartes bancaires, même avec un compte positif, ne vous permettent plus de régler vos achats. Cela fait déjà trois fois que cela arrive à ma fille : impossible d’utiliser sa carte pendant deux jours. Idem pour moi : une fois seulement.
Tout dépend de ce que vous appeler « compte positif »…Il faut savoir que chaque dépense faite avec la carte entraine une autre somme provisionnée (en plus de l’achat proprement dit,donc!) Ainsi,si vous avez 200 euros sur le compte, 2 dépenses de 100 euros ne « passeront » pas.Il n’y en aura qu’une seule d’honorée sans problème !
PS: Je ne me rappelle plus quel est le montant provisionné à chaque fois, ni au bout de combien de temps il est « libéré » !
Mais à quoi joue Merkel ? Je veux bien admettre que s’exerce une certaine psychorigidité, je veux bien entendre que son échéance électorale à elle est devant, et qu’il faut qu’elle rassure son électorat.
Mais bon … j’ai l’impression qu’elle s’est emparée de la barre du navire, et qu’elle le dirige droit sur le glaçon.
Quelque chose m’échappe, c’est sûr.
L’Allemagne tient la dragée haute!! Et les pays « club Med » y compris la France jappent de tous les cotés pour l’obtenir!! En vain!
Avec l’espoir d’une progression social-démocrate qui changerait la donne et créerait les conditions d’un gouvernement de grande coalition avec la CDU-CSU.
Une « progression sociale-démocrate » qui aboutirait à « un gouvernement de grande coalition avec la CDU-CSU » changerait-elle la donne? Il est permis d’en douter. A. Merkel a déjà gouverné avec le SPD et c’est, de fait, ce qu’elle continue à faire, car toutes les grandes décisions concernant la zone euro ont été négociées avec le SPD.
En Corée du Sud, suicides de banquiers (parce que là-bas on met ceux qui ont fraudé en taule): http://www.bloomberg.com/news/2012-06-18/suicides-arrests-show-trouble-at-korean-savings-banks.html
Admettons que l’Allemagne paie et desserre ses contraintes sur la BCE. Que se passe t’il le jour d’après ?
@78
Fin de la crise de la dette, mais le train train continue, nous sommes toujours dans le « monde d’avant »: chômage, déficits…
Sauf si: règle de l’équilibre de tous les budgets, création monétaire pour payer la dette et financer de grands travaux (économie durable). Ce n’est parce que l’idée est simple qu’elle est fausse !
Transformation progressive au début, puis s’accélérant au fil du temps de l’euro-mark en euro-drachme.
Le jour d’après, c’est sans conséquence. 2 ans plus tard, c’est autrement plus grave.
il manquerair plus qu’un groupe terroriste apparaissant idoinement au moment opportun pour effaroucher l’electeur allemand pour le faire voter dans le bon sens …
Voter CDU ou voter SPD, c’est voter dans le même sens. Au demeurant, CDU et SPD sont prêts à gouverner ensemble, ce qu’ils ont d’ailleurs déjà fait.
je rêve ou le gouvernement sortant, c’était déjà ND/Pasok ? Ha non, c’est vrai, c’était Pasok/ND… Nuance ! :))))))))
Puisque la presse anglo-saxonne a la cote, citons-la !
Charles Dumas de Lombard Street Research (San Francisco donc, I presume) déclare que
– l’Allemagne doit accepter une inflation, laquelle ne pourra venir que d’un déficit budgétaire en raison du ralentissement des investissements chinois,
– les mesures nécessaires sont globalement celles qu’il a fallu appliquer pour l’Allemagne de l’Est, à la différence qu’il n’y a pas d’union politique « Is this a rough deal for Germany, ordinary Germans? Yes. But that is what is going to be required, to keep Club Med in.”
– «Mme Merkel et la direction allemande estiment qu’ils ont payé en prêtant de l’argent (moyennant un suicide économique et politique pour tous) mais ils ignorent ce que payer veut dire. L’argent doit être donné au Club Med, pas prêté.» (« The German leadership thinks it has agreed to pay (provided everybody commits economic and political suicide) but it does not understand what paying means. The money has to be given to Club Med, not lent. ») Le cas de Banxia est clair à cet égard: le prêt fait au gouvernement espagnol, s’il charge le contribuable, du point de vue de la finance détériore la position des détenteurs privés de la dette espagnole.
Sa conclusion est que Mme Merkel ne sera plus chancelière dès les élections de l’an prochain.
Il est cité par Ambrose Evans-Pritchard dans le Telegraph, dans un article titrant en fait sur de mauvaises nouvelles pour l’économie …néerlandaise!
« Toutes les issues possibles sont fermees les unes apres les autres….. »
On est bel et bien sur le rond point de Raymond Devos.Tout y est, meme situation absurde.
Sauf que ce n’est pas la laitière qui fait son beurre.
C’est cool, « ils » n’ont pas l’air pressés de trouver une solution… C’est pas comme si y’avait urgence…
Discutons encore quelques mois, on a bien le temps !
OUI – LARJEMENT !!!
JE RI !