LA GRÈCE RIVÉE EN MODE SURVIE, par François Leclerc

Billet invité.

La Grèce a connu l’année dernière sa première croissance en neuf ans, autour de 1,3%, et cela a suffi à Klaus Regling, le directeur général du MES, pour déclarer qu’elle n’est plus « en mode crise ». Encore un succès à mettre à l’actif de la politique européenne de rééquilibrage budgétaire !

Des experts documentaient cette année à Davos le procès du PIB et planchaient sur un autre indice intitulé Inclusive development index (IDI), l’indice de développement inclusif. Mais, bien que décrié, le PIB a la vie dure. Qu’il permette des démonstrations de complaisance de ce type n’y est sans doute pas étranger.

Abusifs, les commentaires fleurissent sur le thème que les indicateurs reviennent au vert en Grèce, dans la perspective de la fin de son troisième plan de sauvetage fin août prochain. C’est un peu vite oublier qu’un Grec sur cinq est officiellement au chômage, et qu’au troisième trimestre 2017 – dernières données disponibles – la consommation a baissé de 1% sur un an et l’investissement de 8,5%. Rien qui augure d’un démarrage en fanfare, même avec ces indices qui demanderaient eux aussi un sérieux coup de propre à l’heure du Big data, une fois leurs biais corrigés ! Mais la science économique a ceci de particulier qu’elle ne se soucie pas de la qualité de ses données… Pour mémoire, la conception du PIB date des années 30 aux États-Unis, lorsqu’avait été ressenti le besoin d’un outil permettant de mesurer la sortie de l’économie de la Grande dépression. Par défaut, il continue de faire autorité et de tromper.

D’autres indicateurs restent en berne à Athènes: la consommation du troisième trimestre 2017 a baissé de 1% sur un an, et l’investissement de 8,5%. Qu’importe, l’indice de la croissance est Roi !

La Grèce serait donc sortie de la crise, mais comment qualifier une situation où plus de 35% des Grecs sont sous le seuil de pauvreté, où la moitié d’entre eux vivent d’une pension de retraite – la leur ou celle de leurs parents – où sept jeunes sur dix âgés de 18 à 35 ans rêvent de partir à l’étranger ? Quel avenir peuvent-ils attendre d’un pays dont le montant de la dette publique correspond à 178% du PIB, et où la croissance devra prioritairement financer son remboursement, à moins qu’une nouvelle crise de la dette ne le mette à nouveau à terre ?

La vérité toute simple est qu’un tel pays ne peut pas prétendre au développement mais tout juste assurer la survie de ses habitants, et ce pour très longtemps.