Billet invité.
Pour rester dans un registre poli, ils sont toujours aussi désespérants ! Qui ça, ils ? les chefs d’État et de gouvernement des pays du sud de l’Union européenne, qui s’étaient réunis dans cette formation mercredi dernier à Rome.
Plus particulièrement confrontés au « défi migratoire », il ont été félicités par leur hôte Paolo Gentiloni qui a salué « les résultats encourageants dans la maitrise des flux et dans la lutte contre la traite des êtres humains » de l’Union européenne, avant d’ajouter qu’ils doivent être « consolidés ». Comment ? c’était là le but de la réunion d’y répondre.
Par sa formulation, la déclaration finale laisse entendre que rien n’a été décidé. Il en ressort en effet que les participants sont « fermement attachés à une politique commune des migrations », sans toutefois la formuler. Un point ferait bien accord unanime, reflet des efforts accomplis, mais comment affirmer que les meilleures frontières sont celles qui sont rendues infranchissables, sauf à un contingent réduit d’exilés à qui il est décerné l’asile pour la forme ?
Car la politique en vigueur de la grande défausse a retrouvé son argument de toujours : il y a réfugiés et migrants, ne pas confondre, les premiers relevants de faits de guerre et de persécutions, qu’il faut secourir, les seconds du sous-développement économique et destinés à rester chez eux. Sous cette apparence de bons sentiments se cache autre chose.
Jean-Marie Le Clézio, qui sait d’expérience de quoi il parle pour être passé par là, y a répondu dans le Nouvel Obs : « comment peut-on faire le tri ? Comment distinguer ceux qui méritent l’accueil, pour des raisons politiques, et ceux qui n’en sont pas dignes ? ». « Est-il moins grave de mourir de faim, de détresse, d’abandon, que de mourir sous les coups d’un tyran ? », poursuit-il. Tenant des propos irrecevables pour ceux qui ne parviennent pas à se donner le beau rôle, il dénonce comme « un déni d’humanité insupportable » le tri fait entre les migrants qui fuient leur pays pour des raisons politiques et ceux qui fuient la misère, puis il met en cause la politique devenue « un monstre froid ». Car ils en sont là, nos gouvernants, opérant des tris suivant des critères de convenance, refusant par exemple d’accorder le bénéfice de la relocalisation aux Afghans et Irakiens parvenus en Grèce.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 171.635 réfugiés ont atteint les côtes européennes en 2017, contre 363.504 l’année précédente. Bien que globalement de l’ordre de la moitié, la baisse est d’un tiers seulement pour l’Italie, et un troisième passage s’est ouvert envers l’Espagne, que 23.00 réfugiés ont emprunté. Et le nombre de morts a été de 3.116 en 2017, contre 5.134 en 2016. Autre différence d’une année sur l’autre, les sauvetages au large de la Libye sont le plus souvent opérés par des garde-côtes libyens qui rapatrient les naufragés dans le pays.
Comme le dit Paolo Gentiloni, « les résultats sont encourageants ». Pas pour tout le monde ! Sont-ils à la mesure de la détresse de ceux à qui la porte d’entrée de l’Europe est claquée au nez, laissés avec comme seules options le rapatriement dans le pays qu’ils ont fui ou le maintien dans les camps contrôlés par des milices qui en font leur beurre et les maltraitent ?
Sebastian Kurz, nouvellement élu chancelier autrichien d’extrême-droite, vient rencontrer à Paris Emmanuel Macron qui a abandonné son vernis afin de fustiger « la confusion » régnant chez les intellectuels qui critiquent sa politique. Le chancelier y oppose la clarté et propose d’installer les réfugiés dans des pays voisins du leur, que l’Union européenne pourrait « protéger militairement si nécessaire », une fois admis qu’il n’est pas question de les accueillir en Europe.
Mais la palme revient au président de l’Assemblée nationale française, François de Rugy, qui a utilisé un argument laissant perplexe : « le droit d’asile, c’est normal que toute personne qui le demande ne l’obtienne pas, sinon l’asile ne veut plus rien dire ». Magistral !