Billet invité.
La clé de la future politique européenne est comme on ne peut l’ignorer à Berlin, et elle dépend largement de la reconduction d’une grande coalition CDU, CSU et SPD dont le programme est en pleine négociation. Comment y échapper ?
Les négociations préliminaires s’achèveront ce soir et seront assorties de la recommandation de les poursuivre ou non. L’ensemble sera soumis aux militants du SPD, pour accord sur la poursuite des négociations, lors d’un congrès spécial qui se réunira le 21 janvier à Bonn. Tout sera fait pour l’obtenir, afin de ne pas retourner devant les électeurs, avec le danger d’une nouvelle progression de l’AfD d’extrême-droite.
Les tractations se sont opérées dans 15 groupes de travail thématiques, afin de progresser là où c’est le plus facile et réduire les désaccords pour des discussions au finish. On sait que le SPD a insisté sans succès pour l’adoption de mesures de plus grande justice sociale concernant les impôts, mais qu’il a accepté le principe de l’obligation de l’équilibre budgétaire qui lui lie largement les mains. Ceci malgré l’enregistrement d’un excédent budgétaire de 1,2% du PIB pour l’année qui vient de se terminer. Celui-ci prend en compte le budget fédéral, celui des États régionaux, des communes et de la sécurité sociale. Un score inégalé depuis la réunification de 1990.
Chaque parti cherche à protéger son image, ce qui n’est pas chose aisée pour le SPD, dont la figure se confond de plus en plus avec celle de la CDU. Ce qui n’est pas non plus spécialement bon signe quant à l’issue des négociations à propos de la politique européenne, car il faut aussi marquer des différences.
D’autres questions importantes restent à négocier d’ici ce soir, Angela Merkel et Martin Schulz étant d’accord sur le fait que de « gros obstacles » doivent être encore surmontés. Notamment à propos des réfugiés ou de l’abolition de l’assurance privée demandée par le SPD. Par contre, des accords seraient intervenus sur des sujets où cela s’était révélé impossible lors des négociations sur la coalition Jamaïque, où les Verts étaient associés. Ainsi qu’à propos de l’environnement, de l’énergie et de la politique du travail, alors que le syndicat IG Metall réclame la semaine de 28 heures pour le secteur de la métallurgie. Les trois partis se seraient notamment mis d’accord pour ne pas réclamer à l’industrie automobile le changement des moteurs qui ne sont pas conformes aux normes d’émission de C02.
Le processus est attentivement suivi par les autorités françaises, qui se préparent à négocier. Le ministre des finances français Bruno Le Maire a annoncé un rendez-vous avec son homologue allemand, Peter Altmaier, pour « la semaine prochaine » (ce qui signifie que la date n’a pas encore été fixée). Le terrain est prudemment préparé, l’épineuse question du budget de la zone euro – dans son principe et dans son montant – est d’ores et déjà présentée comme « un point d’aboutissement », repoussé à on ne sait quand.
Sans plus s’avancer, le ministre s’en tient aux titres de chapitres et propose « une méthode de discussion ». Il prévoit que la négociation se déroule en trois phases et recherche un phasage en conséquence : « la première porte sur l’Union des marchés de capitaux, l’Union bancaire et la convergence fiscale », a-t-il détaillé, indiquant que cette étape devait selon lui « aboutir dans des délais de l’ordre de 18 à 24 mois ». « La deuxième cherche à consolider les mécanismes de protection financière en cas de crise et la troisième vise à créer un budget de la zone euro », a-t-il poursuivi, sans les inscrire dans un calendrier.
Il se prépare donc un travail de longue haleine fait d’avancées partielles, qui ne sera pas mené uniquement dans le cadre multilatéral. Depuis Rome, Emmanuel Macron a cherché ce matin à avancer envers et contre tout : « quand la France et l’Allemagne ne savent pas se mettre d’accord, l’Europe ne sait pas avancer. Mais le couple franco-allemand n’est pas exclusif. Notre lien avec l’Italie a une nature spécifique », a-t-il déclaré. Un traité bilatéral va être signé avec l’Italie, afin de donner « une structure plus systématique et favorable » à la coopération entre les deux pays. De quoi symboliser une politique à défaut de la concrétiser et d’augurer d’une marche qui ne sera pas triomphale.