La fin des certitudes signe le fait qu’il va falloir vivre dans l’incertitude. Et il a beau être répété par les instances internationales que toute prévision économique est devenue très incertaine, celles-ci se succèdent en se démentant les unes après les autres.
Domine dans les hautes sphères une stratégie du dos rond qui ne se résout pas à admettre que rien ne va plus, procède de spéculations hasardeuses sur l’échéance de la reprise de l’économie, ainsi que d’un conformisme résolument ancré en défense de la préservation des intérêts acquis. La référence rassurante et toute à la fois décriée au confinement englobe des modalités en réalité très différentes, mais il est acquis que si ses effets récessifs seront moins profonds, ils seront plus durables. Alors que la délivrance procurée par la découverte d’un vaccin éprouvé va en tout état de cause se faire attendre, car il faudra ensuite le produire, le distribuer et l’injecter à une très vaste échelle.
Une course de lenteur est engagée afin d’adopter le plan de relance européen (et le budget pluriannuel de la Commission) le plus vite possible. Un petit pas a été accompli avec le Parlement européen, le compromis trouvé continuant de noyer le poisson quant au respect de l’État de droit et au maintien des libertés, mais les tractations finales sont encore loin de leur aboutissement. Si elles y parviennent, rien ne sera pour autant réglé étant donné le faible impact prévisible d’un plan abusivement qualifié de relance, encore un mot trompeur.
Les 310 milliards d’euros de subventions prévus représentent 0,7% du PIB sur trois ans, tandis que ni l’Italie ni l’Espagne n’envisagent de piocher dans l’enveloppe des prêts, trouvant des fonds sur le marché à de meilleures conditions. Fruit d’un compromis difficile, mal taillé, le plan n’est pas en phase avec les besoins alors que les mesures de soutien aux entreprises, afin d’éviter leur défaut voire leur faillite, et au travail partiel, afin de contenir le chômage, sont prorogées étant donné les conséquences qu’entraineraient leur arrêt. Ce qui n’empêche pas une vague de plans sociaux.
Andrea Enria, qui préside le conseil de surveillance de la BCE, met toutefois en garde à propos de « l’impact sur les capitaux et la détérioration de la qualité des actifs ». Il pointe que le secteur bancaire européen a « entamé cette crise dans un état de fragilité structurelle », voyant dans sa consolidation européenne le moyen de le renforcer, mais celle-ci rencontre des obstacles élevés. D’après lui, les « prêts non performants pourraient grimper jusqu’à 1.400 milliards d’euros alors qu’ils avaient culminé à 1.000 milliards d’euros en 2008/2009.
La fin des certitudes est douloureuse quand elles impliquent des remises en question. La société fait finalement preuve de plus de souplesse et de capacité d’adaptation que les prêtres de la religion de l’argent rivés à leurs dogmes.