À quelle nouvelle vague de défaut des entreprises faut-il s’attendre alors que le stock encore détenu par les banques d’« actifs non performants » (dans le jargon) n’est pas épuisé ? Il est difficile de l’évaluer, mais elle pourrait être puissante si l’on observe la situation en Espagne.
Ne péchant pas par optimisme, l’expérience aidant, le président du conseil de surveillance de la BCE Andrea Enria ne tourne pas autour du pot. Il appelle à la création d’une « bad bank » dénommée pudiquement « société de gestion d’actifs », afin d’accueillir ses prêts et d’en délester les banques tout en évitant l’activation des garanties publiques qui plomberait les budgets publics. Il n’y aurait pas le choix, les banques ne s’étant pas renforcées en procédant à une consolidation (concentration) à l’échelle européenne.
Connaissant son monde, il laisse le choix entre une structure européenne ou à défaut un réseau de structures nationales, à condition dans ce cas qu’une méthodologie unique soit adoptée pour déterminer le prix auquel ces actifs seraient cédés aux bad banks. Leur financement serait fourni ou garanti par une structure centrale, sans autre précision car le sujet est scabreux.
Afin de répondre par avance à une mise en cause, il précise qu’un juste prix devrait être trouvé afin de partager les pertes entre cette ou ces structures et les banques.
Il conclut ainsi : « L’enjeu est de taille: nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un secteur bancaire qui se débat avec les débris de la crise actuelle dans les années à venir. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre un secteur bancaire incapable de soutenir la transformation de nos économies. » Sera-t-il écouté alors que la crise économique rebondit ?
Après avoir assoupli les contraintes de la régulation bancaire, les autorités européennes se penchent maintenant vers celle du « shadow banking » afin d’au contraire les renforcer. Un rapport doit être remis le mois prochain aux chefs d’État et de gouvernement du G20. En effet, la finance de l’ombre représente désormais près de la moitié de l’intermédiation financière dans le monde, selon le Conseil de stabilité financière (dont FSB est l’acronyme anglais communément employé).
Pour sa part, le FMI constate que ses liens de plus en plus étroits avec les banques « pourraient favoriser la contagion des facteurs de fragilité à l’ensemble du système financier ». L’inquiétude n’est pas sans fondements, car les gérants d’actifs de la zone euro ont vu les titres qu’ils gèrent fondre de 1.200 milliards d’euros au printemps dernier. D’autres manifestations enregistrées au sein du système financier à la même période ont retenu l’attention. L’incidence des appels de marge supplémentaires ou les importants retraits opérés sur les fonds monétaires, illustrant la grande fragilité du système financier.
Plus celui-ci croît, plus cette fragilité désormais de nature systémique s’accentue, la liste des établissements financiers établie par le FSB étant une plaisanterie.