Malgré les affirmations contraires, le contrôle de la pandémie est perdu en Espagne, en France, au Royaume Uni, en Belgique et aux États-Unis si l’on s’en tient aux grands pays occidentaux. La progression irrésistible du nombre des infections ne laisse aucun doute et l’augmentation des malades en soins intensifs va suivre en raison d’un effet retard. De quoi s’interroger sur la stratégie à reculons suivie par Emmanuel Macron.
Des mesures de couvre-feu ont été adoptées dans les agglomérations françaises les plus touchées, mais le scepticisme à l’égard de leur efficacité se justifie. L’arbitrage en faveur de la reprise du travail « à tout prix », avec ce que cela suppose de promiscuité notamment dans les transports en commun, est en effet maintenu. Pour sa défense, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire lui oppose les coûts se voulant dissuasifs d’une généralisation du couvre-feu ou de l’instauration d’un nouveau confinement, sans en dévoiler le calcul.
Vivre avec la pandémie est simple à proclamer, à condition de la contenir. Combien de temps cette coexistence peu pacifique va-t-elle durer ? L’espoir de la disponibilité d’un ou de plusieurs vaccins efficaces doit être relativisé si l’on prend en compte la multiplication des effets d’annonce de laboratoires engagés dans une course à sa mise au point et au jackpot financier. Leur production et la campagne de vaccination globale qui s’en suivra prendra du temps, ce qui nous mène à quand ?
D’autres facteurs jouent, à commencer par l’incertitude qui s’accentue à propos de la finalisation du plan de relance européen pour laquelle Emmanuel Macron appelle au compromis faute de le trouver. En attendant, sa mise en œuvre s’éloigne, l’étape finale de sa validation par les parlements nationaux reste en pointillés. De surcroît, ce plan mettra des années à faire son effet. Au train où vont les choses, ses fonds seront plus destinés à colmater les brèches qu’à assurer une relance. C’est un plan de relance sans relance.
Des larges secteurs entiers de l’activité économique réclament des mesures de soutien qui ne sont jamais suffisantes, la faillite de nombreuses entreprises et une hausse irrépressible du chômage guettent si les dispositions adoptées devaient être arrêtées. Enfin, obtenir une relance de la consommation revient à vouloir faire boire un âne qui n’a pas soif, les particuliers continuant de privilégier l’épargne et le gouvernement s’obstinant à refuser pour des raisons idéologiques toute mesure visant les 20% d’entre eux qui amassent l’essentiel des réserves, car les autres n’en ont que marginalement ou pas du tout les moyens.
Cette nouvelle phase de la pandémie est différente de la première. Elle a démarré plus progressivement mais semble destinée à s’installer durablement. La BCE peut contribuer à stabiliser le système économique et à contenir les taux d’intérêt. Mais pour aller plus loin, elle devrait s’affranchir des dogmes en vigueur en assignant à sa création monétaire des objectifs qui bousculeraient la répartition des tâches entre les États et elle-même. D’évidence, les conditions politiques n’en sont pas réunies.