Le FMI met les pieds dans le plat dans son dernier rapport en faisant remarquer que le confinement peut être malgré tout préférable en dépit de ses conséquences économiques néfastes à court terme, prenant à contrepied le discours ambiant. Ses propos iconoclastes ne s’arrêtent pas là.
Le Fonds préconise sans tergiverser la suspension des règles budgétaires en raison de la « longue et difficile ascension » de la reprise de l’économie mondiale. Faisant valoir avec modestie la grande incertitude qui pèse sur les prévisions dans ce domaine, prenant ses distances avec toutes les assurances promises à ne pas se concrétiser. Afin de contribuer à ce que les dettes restent soutenables, Gita Gopinath, l’économiste en chef du Fonds, franchit le Rubicon en préconisant « d’améliorer la progressivité de l’impôt » – faire payer d’avantage les hauts revenus – et de s’assurer que les entreprises « paient leur juste part ».
La pandémie accroît les inégalités dans tous les domaines, est-il constaté, et pas seulement entre les économies avancées, émergentes et en voie de développement (selon les formules consacrées). Elles se développent entre les riches et les pauvres, les hommes et les femmes ou selon que l’emploi est formel ou informel. Le fossé qui se creuse n’est pas une question anecdotique et appelle autre chose que du saupoudrage de mesures, peut-on en conclure.
À l’exception de la Chine, les pays émergents ont cessé d’émerger est-il constaté. Ils n’ont plus de marges de manœuvre budgétaire et ne peuvent s’endetter comme les pays développés, ne bénéficiant pas des taux très bas voire négatifs. Le FMI préconise des prêts à taux réduit et de procéder à une restructuration des dettes afin de faire face à une crise de la dette souveraine dans les 73 pays les plus pauvres. Les ministres des Finances du G20 ont prolongé jusqu’à juin 2021 le moratoire déjà institué sur le paiement du service de la dette. C’est reculer pour mieux sauter alors que ni les investisseurs privés ni la Chine ne sont prêts à envisager des abandons de créance même partiels. Il faudra bien un jour prendre le sujet à bras le corps et ouvrir la boite de Pandore du traitement de la dette.
Se voiler la face est illusoire, la crise actuelle remet en cause des vérités d’hier qui n’ont plus cours aujourd’hui. Les propos du FMI sont certes limités mais cela n’impose pas pour autant de faire la fine bouche. Une dynamique de changement est enclenchée avec notamment un phénomène inconcevable, la généralisation des taux négatifs des obligations souveraines. L’Espagne et le Portugal s’apprêtent à en profiter à leur tour, l’Italie émet avec succès des titres à 0% et la Grèce est sur la liste d’attente.
Vous écrivez : « À l’exception de la Chine, les pays émergents ont cessé d’émerger ». Je crois que la Chine aujourd’hui n’a de pays émergent que le statut.
D’un strict point de vue macro-économique la Chine correspond bien aux critères des pays émergents. Naturellement, outre le fait que le choix des indicateurs économiques relève de critères discutés, voire discutables, le poids politique, financier et militaire de la Chine en fait un acteur global.
La Chine : une puissance économique, mais encore émergente
Même posée par Donald Trump, la question reste donc légitime : comment se fait-il qu’un pays ayant un tel poids sur la scène international soit encore considéré par les économistes comme une économie émergente ?
Dans le même ordre d’idée, on pourrait se demander s’il ne faudrait pas introduire également le concept d’économies « immergentes », lorsqu’aux critères économiques l’on rajoute des critères sociaux ? Ceux qui, exemple pris au hasard, pourraient classer les USA comme le pays le plus riche du tiers-monde.