Les grandes négociations internationales et européennes avancent à pas de tortue, avec toujours le risque de ne pas aboutir. Le sommet européen des 15 et 16 octobre prochains va tenter de franchir les obstacles à l’adoption du plan de relance posés par les États membres ou le Parlement. Mais le débat sur la fiscalité internationale engagé au sein de l’OCDE n’est pas mieux parti pour l’instant.
Une fois de plus, l’annonce d’un accord est totalement prématurée. Un mécanisme a été mis au point, mais deux questions essentielles ne sont pas réglées. Il manque en premier lieu « un accord politique », façon détournée de parler de l’obstruction de l’administration Trump. Un autre choix n’a également pas été fait, la taxation des bénéfices aura-t-elle comme champ d’application uniquement les GAFA ou bien alors toutes les entreprises multinationales, ce qui reviendrait à réintégrer ces dernières dans un système fiscal commun ayant pour objectif de répartir le produit de cette taxe en fonction de l’importance de leurs marchés nationaux, tout en interdisant que les bénéfices soient localisés dans les « juridictions » (les pays) où les taxes sont les moins élevées, voire nulles.
Par ailleurs, il conviendrait de définir strictement la notion de bénéfice. Parle-t-on du bénéfice standard ou d’en défalquer ce qui correspondrait à un certain seuil de rentabilité, qui reste à préciser ? Enfin et surtout, les négociations qui ont commencé en 2018 à la demande du G20 ont-elles une chance d’aboutir en raison du blocage de Washington ? L’accord américain est indispensable pour que la taxe soit mondiale et qu’il ne soit pas possible d’y échapper.
La position des États-Unis est de laisser le choix aux entreprises elles-mêmes de rallier ou non le nouveau dispositif, une fois celui-ci adopté ! Une victoire de Joe Biden aux élections, qui est loin d’être assurée, changera-t-elle la donne ? C’est de l’ordre de la spéculation, tant les intérêts économiques américains en jeu sont importants. Une taxe de 12 à 13% sur les bénéfices est un os dur à avaler. S’ajoutent à cela les divergences franco-allemandes à propos de la conduite à tenir. Faut-il en cas de prolongation débloquer le projet français suspendu, au risque de mesures de rétorsion américaines, ou ne rien faire comme préconisé par le gouvernement allemand dont le modèle économique basé sur les exportations le rend particulièrement vulnérable ?
Il est probable que, dans le meilleur des cas, un dispositif a minima sera finalement adopté, créant une belle occasion de manquée. Les multinationales feront la décision, question de rapport de force.