Ce devait être un « tournant historique », mais l’adoption du plan de relance communautaire pourrait être sans lendemain, à suivre les préparatifs des prochaines élections allemandes et de la désignation du remplaçant d’Angela Merkel.
D’un côté, forcé par les évènements, le ministre des Finances Olaf Scholz, le candidat du SPD à sa succession, annonce que l’équilibre budgétaire ne sera retrouvé qu’en 2024, une entorse significative à la stricte règle du déficit zéro qui prévalait auparavant. Les besoins de financement de la lutte contre la pandémie et de la reconfiguration de l’industrie allemande conjugués avec la baisse des recettes fiscales ne laissent pas le choix. Le gouvernement allemand nous a habitués à évoluer sous l’effet de contraintes et cela continue. On verra plus tard si des prorogations se révèlent nécessaires.
De l’autre, la vieille garde conservatrice se réveille et réclame l’arrêt des achats obligataires de la BCE et de sa politique de taux négatifs, prenant appui sur l’absence d’effet de ces mesures sur l’inflation. Wolfgang Schäuble et ses comparses mettent le doigt où cela fait mal, la BCE ayant élargi d’elle-même sa mission sans le proclamer. S’en tenant à un point de vue juridique, ils n’ont pas formellement tort, même si c’est autre chose du point de vue économique.
Le débat sur la politique monétaire de la BCE s’est engagé au Bundestag et ne va plus cesser, la campagne électorale aidant. Déjà, Olaf Scholz a évoqué une contribution des plus aisés au financement d’un programme d’investissement très étoffé. La revue de la politique de la BCE lancée par Christine Lagarde ne va pas être réservée aux seuls membres du conseil des gouverneurs, la politique va s’y engouffrer. L’indépendance de la BCE va être une façade de plus en plus fragile, tandis que l’on peut douter de la pugnacité de sa présidente envers le monde politique.
La Fed a pris les devants en adoptant une cible d’inflation pouvant dépasser 2%, donnant ainsi une base à la poursuite de sa politique accommodante. La Banque d’Angleterre s’interroge sur l’adoption de taux négatifs à son tour, et la BCE va subir de fortes pressions afin de revenir sur sa position. Le débat ne sort pas du monétarisme de crainte de pénétrer dans des territoires idéologiques inconnus.
Et, en Allemagne, le « tournant historique » est susceptible de tourner court.