Jean Castex se prévaut d’un étrange « keynésianisme de l’offre » dont on ne sait trop où il va le chercher. Tandis que la tentation est grande de voir dans l’évolution de la politique financière allemande un tournant « conceptuel ». Les dirigeants seraient-ils devenus des keynésiens comme l’affirme la correspondante du Monde à Berlin, Cécile Boutelet ? Ou bien plus simplement, le même pragmatisme que celui qui anima les dirigeants américains lors du précédent accès de crise aigüe, il y a une dizaine d’années, n’en est-il pas plutôt à son origine ?
Certes, le gouvernement allemand a baissé son taux de TVA, contrairement au français, mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Les conséquences budgétaires de cette mesure ne sont pas comparables à celles dont bénéficient les entreprises.
La mise en sommeil de la règle du déficit budgétaire zéro, l’adoption d’un plan de soutien impliquant un fort endettement et l’appui donné au plan de résilience et de relance de la Commission, après de difficiles tractations, sont autant de mesures prises sous la pression des événements plutôt que le fruit d’une avancée de nature idéologique.
Assurément, des voix se sont fait entendre depuis plusieurs années en faveur d’une réévaluation de la politique défendue et instruite par les gouvernements allemands successifs. Mais le facteur déterminant n’est-il pas à chercher ailleurs, dans la nécessité qui ne fait pas discussion de prévenir l’éclatement la zone euro, en raison du poids des exportations allemandes en son sein ? L’Italie n’est pas la Grèce, pour s’en tenir à ce premier écueil. Mais il s’imposait surtout d’aider la reprise de l’économie des pays clients pour relancer des exportations qui sont au cœur du modèle économique allemand. Déjà qu’elles étaient malmenées dans le reste du monde.
La question pendante reste celle du désendettement, qui rejaillira à nouveau quand l’urgence sera passée et que le rétablissement des règles qui ont été suspendues reviendra à l’ordre du jour, même sous une forme assouplie. Certes, ce ne sera pas demain matin. Mais le clan des conservateurs et des conformistes, sur la défensive, n’a pas renié ses certitudes.
Le débat s’est dans l’immédiat déplacé sur un autre terrain, celui de la recapitalisation des entreprises en mal de solvabilité qui oppose ses partisans à ceux qui au nom des bienfaits de la « destruction créatrice », refusent le soutien aux « entreprises zombies ». Les idéologues allemands n’ont pas le vent en poupe dans un nouveau monde qu’ils ne comprennent pas. Comment convaincre avec l’argument usé jusqu’à la corde de la menace de l’inflation quand la déflation se présente ? ou avec celui de l’inévitable remontée des taux obligataires quand aucun signal ne s’en manifeste ? Ils ont la logique pour eux quand ils souhaitent que la BCE mette la pédale douce sur ses achats obligataires, dont ce pourrait être le résultat, mais vont-ils l’obtenir ?
La faiblesse de la croissance, quand ce n’est pas l’apparition de la récession, n’est pas davantage une donnée provisoire. Le capitalisme est appelé à trouver une nouvelle assise. Dans un premier temps il est assisté par les banques centrales au prix d’une inflation des actifs financiers et de la croissance de la masse monétaire, tandis qu’une partie de plus en grande du système financier passe sous les radars de la régulation financière. Pour la suite, il va falloir improviser.
Les dirigeants seraient-ils devenus des keynésiens comme l’affirme la correspondante du Monde à Berlin (…)
La mise en sommeil de la règle du déficit budgétaire zéro, l’adoption d’un plan de soutien impliquant un fort endettement et l’appui donné au plan de résilience et de relance de la Commission, après de difficiles tractations, sont autant de mesures prises sous la pression des événements plutôt que le fruit d’une avancée de nature idéologique (…)
C’est certain, encore que l’ensemble de ces décisions politiques de la part du gouvernement allemand CDU-SPD ne peuvent être interprétées comme une politique keynésienne affirmée, plutôt un recul momentanée de cette orthodoxie monétaire si chère à ces luthériens.
L’Allemagne se prépare à un tournant géo-politique majeur il me semble. Les événements actuels en Bielorussie n’en étant pas la moindre des démonstrations, Berlin n’étant pas la dernière des capitales occidentales a jeter de l’huile sur le feu là bas !
Traditionnellement, lorsque l’Allemagne n’arrive plus à faire des affaires à l’Ouest, elle se tourne vers l’Est. Mais pour faire de futures affaires à l’Est, il faut d’abord tenir tête au Tsar de toutes les Russies et le vaincre, à tout le moins le domestiquer.
A partir de ce moment là, si politique keynesienne il doit y avoir du côté des teutons, ces fonds publics à investir prendront plutôt une direction vers les pays de l’Est, plutôt que vers des bourgeoisies du sud de l’Europe, parlant haut et si dépensières, si dépensières !
Lorsque l’on pense que les fond européens promis au français sont déjà dépensés !
La destinée proche du président biélorusse Loukachenko va être à cet égard un révélateur de l’équilibre des forces entre l’Allemagne et la Russie. Ça négocie actuellement.