Vivre doublement à crédit pour combien de temps

Il n’est nul besoin de rappeler le gonflement ininterrompu du crédit privé et public, mais notre consommation excessive des ressources de la planète par rapport à leur renouvellement n’est pas d’une autre nature. Les échéances dans ce dernier domaine sont établies, les reculer demanderait une incontournable mutation de nos activités. Par défaut, il est attendu de mécanismes financiers improbables une solution illusoire de remplacement.

Les temps changent, et pas seulement dans le domaine climatique. Hier vilipendé, l’endettement public n’est plus la menace qu’il représentait. Le dogme ne résiste pas à la réalité. La dette américaine ainsi que la britannique dépassent la côte d’alerte de 100% du PIB, une mesure absurde qui fait cependant autorité. Les prédictions catastrophiques sont déjouées, comment en est-on arrivé là ?

Les banques centrales, on le sait, calment le jeu en achetant massivement des titres obligataires, s’étant données la nouvelle mission de maintenir très bas les taux d’intérêt pour rendre la dette soutenable en dépit de la faible croissance, voire de la récession. La voie est ainsi ouverte à la poursuite de l’endettement public, afin notamment de soutenir les entreprises trop endettées. Avec comme paradoxe que le remède valable pour les uns – l’injection de liquidités – est le moteur de l’accroissement de l’endettement des seconds… Il ne reste plus aux pouvoirs publics qu’à s’endetter pour les soutenir.

Peut-on s’en tenir là ? La cure d’amaigrissement des États n’est plus d’actualité quand leur intervention est instamment requise. La financiarisation est aux taquets, priorité est donnée au maintien de l’équilibre socio-économique, on ne joue plus ! Que se passera-t-il quand les moratoires accordés aux entreprises ne seront pas renouvelés, quand les mesures de soutien salariales disparaîtront ? Un avant-goût est disponible aux États-Unis où se manifestent simultanément des records de valorisation boursière des entreprises et la situation désastreuse de 157 d’entre elles qui tentent d’éviter la banqueroute en se réfugiant derrière la procédure du « Chapitre 11 » qui leur accorde un répit. Par son ampleur, le mouvement dépasse celui qui avait été enregistré en 2008-2009, et ce n’est qu’un début, est-il prédit. Selon le Bureau of Economic Analysis, une agence officielle, l’activité économique continue de se contracter.

La croissance de la dette, à défaut de celle de l’économie, peut être appréciée sous un autre angle. Ne répond-elle pas au besoin impérieux des investisseurs de trouver une allocation à leurs capitaux, quitte à accepter des rendements négatifs en attendant une autre affectation ? Il n’est pas possible de tout jouer sur les marchés boursiers, et pas raisonnable de mettre tous ses œufs dans le même panier. En d’autres termes, le système financier hydrocéphale déborde de partout, ni les produits structurés ni les ETF ne parviennent à y répondre. Ce système s’alimente lui-même, et c’est bien là le problème et non pas la solution !

L’émission de traites sur l’avenir est une fuite en avant limitée dans le temps.