Au Bélarus et en Méditerranée orientale face à la Turquie, l’Union européenne fait à nouveau la preuve de son impuissance, sur la défensive et plus animée par la volonté de préserver tant bien que mal ses relations avec les uns et les autres, que d’affirmer dans la pratique les valeurs auxquelles elle ne cesse de se référer.
Recep Tayyip Erdogan, qui proclame ne reculer « devant aucune sanction et menace » qualifie de « pirates » ceux qui prétendent s’opposer à sa vision de la « patrie bleue » et à la prospection de gisements d’hydrocarbures dans des eaux grecques qu’elle sous-tend. Le gouvernement allemand tente d’engager une médiation, sans y parvenir pour l’instant, et la Commission propose… un moratoire. L’Otan demande que souffle un « esprit de solidarité » entre alliés turcs et grecs. On a connu plus forte détermination devant ce qu’Emmanuel Macron – isolé et qualifié plaisamment de « caïd » – a dénoncé comme étant un « facteur de déstabilisation de l’Europe ». Tout à son affaire, le Premier ministre turc cultive la nostalgie de l’époque ottomane, pratiquant un mélange de nationalisme et d’islamisme.
Le Conseil européen a beau proclamer qu’il ne reconnait pas le résultat des dernières élections au Bélarus, sans toutefois en exiger de nouvelles, sa politique manque tout autant d’envergure. Elle se limite à demander à Vladimir Poutine, faute de leviers économiques, de faire pression sur Alexandre Loukachenko – qui refuse de prendre Angela Merkel au téléphone – afin que ce dernier engage des discussions avec son opposition, dont les leaders se sont prudemment repliés en Lituanie et en Pologne. La simple consultation d’une carte de géographie permet de saisir l’importance stratégique du Bélarus pour la Russie, impliquant que ses dirigeants se laisseront uniquement guider par leur intérêt dans ce qu’ils revendiquent être leur « espace post-soviétique ». Dans les faits, Vladimir Poutine est chargé de réaliser la succession de l’autocrate au pouvoir.
Plus importantes encore que les manifestations de masse à répétions, les grèves s’étendent au sein des grands entreprises publiques, mais elles se heurtent à la détermination d’Alexandre Loukachenko. Des troupes biélorusses sont massées à la frontière ouest du pays dans le but d’accréditer une intervention militaire étrangère, tandis que des informations non confirmées mais tout aussi orientées font état de préparatifs russes qui pourraient avoir la même fonction d’intimidation, si ce n’est pire.
Au fort de Brégançon, Angela Merkel et Emmanuel Macron vont tenter aujourd’hui d’accorder leurs violons tout en affichant leur unité. Les sujets ne manquent pas.