N’attendant rien d’un accord européen le soulageant de leur grand nombre, le gouvernement conservateur grec a trouvé une manière expéditive de se débarrasser des réfugiés : ils sont renvoyés à la mer sans autre forme de procès, en contravention avec la convention internationale qui veille à leur protection. Une enquête du New York Times qui s’appuie sur les ONG et les gardes-côtes turcs établit que plus d’un milliers de réfugiés ont fait l’objet de 31 expulsions successives. C’est donc une politique et non pas des cas isolés.
La méthode utilisée est simple, ils sont embarqués dans des embarcations de fortune, souvent celles avec lesquelles ils ont débarqué, et laissés dériver à la limite des eaux territoriales turques, une fois leur moteur mis en panne. Alertées, les autorités européennes restent coites, ayant d’autres chats à fouetter : la pandémie en premier lieu – qui a justifié la fermeture de nombreuses frontières et enterré dans les faits les accords de Schengen – puis les tensions à odeur de pétrole en mer Égée. Les deux ont représenté des fenêtres d’opportunité permettant de masquer les expulsions, l’attention étant portée ailleurs.
Le gouvernement grec nie les faits, qui s’apparentent pourtant à un prêté pour un rendu, suite aux incidents de mars dernier sur la frontière terrestre gréco-turque, lorsque le pouvoir turc exerçait un chantage caractérisé sur les autorités européennes. Les réfugiés sont pris au milieu de tout cela, sans recours et sans alternative, otages de causes qui ne sont pas les leurs. Quand ils accèdent à l’actualité, ce n’est plus en mer Égée ou en Libye mais dans la Manche qu’ils essayent de traverser pour rejoindre le Royaume-Uni.
Divisés, les dirigeants européens vont devoir à nouveau aborder l’épineuse question de la définition d’une politique migratoire commune, la priorité ayant été accordée à la fermeture des routes empruntées par les réfugiés. Autant dire que c’est une chimère ! La répartition des réfugiés qui parviennent à passer au travers des mailles des filets reste soumise à des négociations de marchands de tapis, et les navires des ONG sont soumis aux nombreuses tracasseries administratives italiennes les empêchant d’opérer.
L’accent est mis sur la répression des « activités criminelles » des passeurs, principal thème de la rencontre des ministres de l’Intérieur de juillet dernier qui s’est conclue par une déclaration conjointe particulièrement hypocrite des représentants d’Italie, de France, d’Allemagne, de Malte, d’Espagne, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, de Libye et de Mauritanie : « réduire la souffrance humaine, combattre l’exploitation des personnes vulnérables et les pertes de vies en mer et sur terre restent des impératifs communs d’ordre moral ». La ministre italienne l’a éclairée en précisant à cette occasion « nous utiliserons tous les moyens disponibles pour identifier et punir les réseaux criminels exploitant les personnes les plus vulnérables ». C’est déjà une politique !