Les effets d’annonce et les mesures en trompe l’œil ne manquent pas par les temps qui courent. La transition écologique se prête particulièrement à l’exercice, mais cela ne s’arrête pas là. Gouverner c’est d’abord l’art d’enjoliver ses décisions afin de les présenter à son avantage. Il vaut mieux gratter un peu pour ramener les mesures annoncées à leur juste niveau.
La Commission n’est pas en reste avec ses tentatives d’augmenter ses ressources propres. Sont sur le métier la création d’une taxe carbone, d’une taxe « Gafa » sur les géants du numérique et d’une taxe sur les multinationales. Une taxe « plastique » entrera déjà en application au 1er janvier prochain. Mais une question ne peut pas être éludée, combien vont-elles effectivement rapporter une fois calibrées au regard des 750 milliards d’euros des remboursements ?
La taxe sur les transactions financières (TTF), qui paraissait enterrée, est revenue à l’ordre du jour, le départ du Royaume-Uni qui s’y opposait fermement y aidant. Une pétition des élus de gauche et écologistes du Parlement européen appelle pour qu’elle soit à la hauteur des enjeux posés par la crise sanitaire, mais cela n’en prend pas le chemin, le nouveau projet affichant des objectifs nettement moins ambitieux qu’en 2011, lorsqu’il avait été initialement lancé avant d’être abandonné. Seuls les achats d’actions de grandes entreprises dont la capitalisation boursière est égale ou supérieure à 1 milliard d’euros seraient imposés à hauteur de 0,2 %. Les transactions sur les obligations ou sur les produits dérivés ne le seraient pas, de même que d’autres opérations financières. À l’arrivée, la TTF pourrait rapporter 3,5 milliards d’euros au lieu des 35 milliards de la première version, dans la proportion d’un dixième.
Sur quoi ce projet va-t-il de surcroît déboucher ? Taxer les transactions financières va-t-il être opportun alors qu’il est question de renforcer la finance de marché afin de soutenir les banques européennes en mal de rentabilité en dopant leurs activités de banque d’investissement ? Car la facture de la crise s’annonce lourde pour les banques européennes. Selon le cabinet Oliver Wyman, qui fait autorité en la matière, elles pourraient enregistrer entre 400 et 800 milliards d’euros de crédits impayés dans les trois ans à venir, suivant l’ampleur imprévisible de la pandémie. Ils viendraient s’ajouter aux impayés de la précédente crise qui n’ont pas été épongés.
La BCE a d’ailleurs recommandé aux banques – à leur grand dam, car elles cherchent à attirer les investisseurs – de suspendre les versements de dividendes et les rachats d’actions jusqu’à la fin de l’année, afin de « préserver la capacité des banques à absorber des pertes et de soutenir l’économie ». La capacité du système bancaire européen à résister est mise en avant, mais celui-ci est loin d’être homogène et des pans entiers pourraient en sortir très éprouvés, car il a de nombreux points de faiblesse.
À moins de prendre le taureau par les cornes, les marges de manœuvre sont réduites. Ils en sont là.