Nous les avions laissé hier soir perdus au sein des profondeurs, nous les attendons désormais ce soir en clôture d’un sommet de deux jours qui en aura duré quatre. Un compromis va continuer à être recherché avec acharnement entre les 27, car les conséquences d’un échec seraient trop lourdes. Mais à l’arrivée cela ne sera pas une victoire.
Les compromis ont toujours un prix, combien celui-ci va-t-il coûter s’il est finalement passé ? Un grand flou s’annonce, de belles phrases masquant d’importants reculs ou renoncements. Cela va en premier lieu être le cas pour le montant des subventions, le cœur du plan de relance et de résilience. Il rétrécit comme une peau de chagrin tandis que les rabais aux plus vindicatifs augmentent. Il ne va pas falloir se laisser éblouir par les chiffres : initialement de 500 milliards d’euros, il ne pouvait pas être inférieur à 400 milliards, la ligne rouge tracée par les gouvernements allemands et français, il serait déjà descendu à 390 milliards et l’on joue sur les mots en parlant maintenant de « autour de 400 milliards »… Cela représente 0,8% du PIB annuel des pays de l’Union à répartir sur les trois ans de la durée du plan… En termes de plan massif, on a connu mieux !
Que va-t-il être accordé aux fanatiques hollandais du libéralisme ? Dans ce domaine le flou reste total, les mécanismes les plus tortueux buttant toujours sur la même question : auront-ils ou non un droit de veto, qu’il soit implicite ou explicite ? Dans l’affirmative, comment faire avaler cette pilule aux gouvernements qui craignent le plus le retour de la Troïka de la crise précédente ? Ils prendront ce qu’on leur donnera, n’ayant pas le choix, une fois les angles un peu arrondis.
Reste le dernier morceau, le respect des normes européennes de l’État de droit. Il a été gardé pour la fin avec l’espoir que Viktor Orbán, le dirigeant hongrois, ne voudra pas prendre la responsabilité d’un échec du sommet et qu’il acceptera quelques formules ronflantes avec l’intention de continuer à en faire à sa tête…
Avant de faire piteusement appel au FMI et accepter une formule très dégradée du plan, les dirigeants européens pourraient certes utiliser la formule des coopérations rapprochées prévue par le Traité de Lisbonne, qui permet à un minimum de 9 pays de l’Union de se mettre d’accord entre eux sans que les autres soient impliqués. Mais cette solution de repêchage reviendrait à reconfigurer la zone euro et compliquerait singulièrement dans l’avenir une situation qui l’est déjà assez comme cela. Voilà pourquoi il vaut mieux un mauvais compromis…
La notion « d’État de droit » est absurde.
D’une part tous les États constitués, même les plus sanglantes dictatures, sont basés sur un corpus de lois. Ensuite il y a un monde entre ce qu’autorise la loi et ce qu’autorise le pouvoir de l’argent : ainsi en France nous avons une marionnette nommée président de la République par les milliardaires et qui dispose des pleins pouvoirs pendant cinq ans. Enfin même lorsque le droit est respecté, cela ne signifie aucunement que la justice et la décence les plus élémentaires le soient : il est par exemple tout à fait légal de détruire la vie sociale et familiale de milliers de personnes travaillant dans une entreprise rentable à seule fin de gaver encore plus les actionnaires.
Le droit est à la fois une arme et un champ de bataille, certainement pas la garantie du respect de la dignité humaine.