La BCE a annoncé hier la poursuite de ses programmes et cela n’a pas fait grand bruit, comme si cela allait de soi. Une légère déception était même perceptible, comme s’il était attendu de nouvelles interventions de sa part ! C’est dire l’addiction qui s’est installée.
Elle repose sur le sentiment justifié que le rôle de stabilisateur de la BCE est parti pour durer. La banque centrale va continuer à peser de tout son poids sur le marché de la dette publique, afin de contenir les taux et la rendre soutenable, ainsi que de mettre à la disposition du système bancaire des liquidités à prix cadeau afin de faciliter ses opérations de refinancement grâce au programme TLTRO. Ce n’est pas sans arrière-pensée, car les banques vont être appelées à jouer un grand rôle quand expireront les mesures de soutien budgétaires adoptées pendant la période de confinement. La BCE se prépare à alimenter les prêts bancaires aux entreprises.
Le plan de relance et de résilience européen – le dernier terme à son importance en matière d’attribution des financements – a pour objet d’éviter l’« effet falaise » (quand le sol se dérobe sous les pieds) en intervenant comme un relais. Ce qui incite la BCE à mettre la pédale douce sur la supervision bancaire, via son contrôle du Single Supervisory Mechanism (SSM). Car cela pourrait par ricochet restreindre la distribution du crédit aux entreprises, le contraire du but recherché.
L’incertitude domine le panorama, on ne peut plus l’ignorer et cela implique de se préparer au pire, à condition d’y parvenir. Pour Kristalina Georgieva, qui dirige le FMI, elle est « exceptionnellement élevée », ce qui la conduit à déclarer que « nous ne sommes pas tirés d’affaire ». Ainsi qu’à énumérer les risques qu’elle perçoit : la probabilité d’une deuxième vague de la pandémie et ses effets sur l’activité économique, les distorsions de la valeur des actifs, la volatilité du prix des matières premières, la montée du protectionnisme et de l’instabilité politique. Cet exercice est propice à faire son marché, car il y a de quoi faire !
Un compromis finira probablement par être trouvé à Bruxelles, car il faut boucher les trous en aidant les pays qui en ont le plus besoin. Il repose en fin de compte sur l’accord franco-allemand initial qui prévoit clairement que cet effort partagé est exceptionnel et temporaire, là était le compromis. Toujours beau parleur, Emmanuel Macron évoque « un moment de vérité » à propos des tractations en cours, d’autres vont suivre à n’en pas douter.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, le coût de la décarbonisation est tel que son financement reste à trouver. Aux États-Unis, Joe Biden annonce un plan de 2.000 milliards de dollars en faveur des énergies renouvelables, donnant une première approche des ordres de grandeur. Ils ne sont pas sortis de l’auberge !