Cela s’agite dans tous les sens dans les capitales européennes, les rencontres se multiplient afin de dégager un compromis en prélude au prochain sommet sous la présidence allemande. Avec comme forte probabilité qu’il va être trouvé, mais pour son contenu c’est une autre affaire.
L’élection contre toute attente à la présidence de l’Eurogroupe du ministre des Finances irlandais Paschal Donohoe a dans l’immédiat donné un triple signal. Le clan des plus farouches partisans des réformes libérales a pris le dessus ; le soutien des gouvernements allemand et français à la ministre espagnole Nadia Calviño n’a pas été déterminant ; des majorités qualifiées risquent d’être difficiles à dégager au sein d’un Eurogroupe qui bien qu’informel a acquis une grande importance.
Côté plan de relance, la question du contrôle de l’utilisation des fonds qui seront alloués a pris le dessus. Qui l’effectuera ? Le Parlement européen est hors-jeu, la Commission pourrait être dessaisie, reste le Conseil européen, une fois de plus. La formule est proposée par le gouvernent allemand mais elle ne fait pas consensus, le Premier ministre hollandais Mark Rutte faisant cavalier seul et bloquant son adoption. Il défend l’intervention des parlements nationaux ayant en tête que celui de son pays est soudé en faveur de fortes conditionnalités. La rigueur budgétaire peut être assouplie en raison des effets de la pandémie, mais il n’est pas question d’abandonner les fameuses « réformes structurelles » qui l’accompagnaient.
Un autre enjeu se cache derrière cette discussion. Au prétexte d’aider les pays les plus affectés par la pandémie, un transfert des ressources devrait intervenir au sein de l’Union européenne qui pourrait être l’amorce d’une nouvelle politique s’il était par ailleurs accompagné d’un accroissement des ressources propres de la Commission. À ce propos, les autorités françaises mettent en avant la « souveraineté européenne » pour s’inscrire dans l’air du temps, mais cette vue n’est pas partagée, il s’en faut.
La suite n’est pas encore écrite, Angela Merkel appellent tout le monde à mettre de l’eau dans son vin. Le débat s’est donc déplacé, portant plus sur les réformes que sur les aides, leur répartition ou le panachage entre les subventions et les prêts ainsi que le calendrier de remboursement. Il va inclure également le montant de l’enveloppe du budget pluri-annuel de la Commission, son augmentation et les coupes budgétaires qui vont aider à faire avaler la pilule. Ces dernières vont toucher des intérêts nationaux que les gouvernements s’apprêtent à défendre farouchement. Rien n’est simple, mais un si grand nombre de paramètres est propice au compromis, il y a du grain à moudre.
Pendant les tractations, les affaires continuent aux bons soins de la Commission. Les chambres de compensation britanniques des produits dérivés, qui contrôlent la quasi-totalité de leur marché européen de 735.000 milliards d’euros, ont obtenu de sa part un « régime d’équivalence ». Cela signifie qu’indépendamment des discussions sur le Brexit qui doivent se conclure par un accord ou non à la fin de l’année, trois grands opérateurs de la City auront un accès sans réserve au marché de l’Union européenne dont les banques sont les grands acteurs. Le régime étant prévu pour être « temporaire », mais sans mention de durée il va pouvoir s’installer.
La City accordait une grande importance à la chose et elle est parvenue à ses fins : le système financier est rebelle aux frontières. On se rappellera utilement que les chambres de compensation mises en place dans le but de diminuer le risque des transactions de ces produits financiers complexes sont considérées par certains analystes comme de véritables poudrières qui au contraire l’accentuent, et qu’aucune disposition destinée à les sécuriser n’a toujours pas vu le jour…