L’enquête sur le scandale Wirecard suit son fil et nous plonge dans un autre monde. Tout a commencé par une escroquerie, puis s’est poursuivi par une carence de l’audit et au final de la régulation financière, mais le tableau n’était pas achevé.
Les journalistes du Financial Times, qui a déterré l’affaire dans le public, n’en sont pas restés là. Poursuivant leur enquête, ils viennent de donner au scandale une toute autre dimension. En analysant un listing de la clientèle de Wirecard, ils sont en droit de dire bingo ! Le chiffre d’affaires impressionnant de la compagnie était très gonflé et reposait sur une myriade de clients fictifs. L’ensemble était un trompe-l’œil.
Qu’était-il destiné à dissimuler ? L’examen de ce listing a également montré qu’un nombre réduit de gros clients était à l’origine d’une part très importante du chiffre d’affaires de l’entreprise. Celui-ci résultait largement de transactions effectuées avec des sites pornographiques, le montant élevé de la commission perçue par Wirecard ne correspondant pas aux usages de ce type d’activité. Quoi donc en penser ?
On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec une activité de blanchiment d’argent provenant d’activités illicites, et de se dire que la création de Wirecard pouvait avoir eu pour but de blanchir les sommes d’argent provenant de la drogue sous couvert de réussite d’une petite entreprise férue de nouvelles technologies. Afin de répondre à une nécessité en passant de l’artisanat à un stade industriel, vu l’énormité des sommes en jeu. Ce n’est toutefois qu’une hypothèse en l’état des informations disponibles.
Quoi qu’il en soit, le mal est fait. Les leçons de rigueur provenant d’Allemagne en ont pris un sacré coup si l’on additionne tout ce que l’on connait déjà du système bancaire. Deutsche Bank et Commerzbank ont toutes les peines à se rétablir, l’État étant entré au capital de la seconde ainsi que de celui la grande banque régionale Nord/LB pour les sauver, et le Single Resolution Board, une agence européenne, a mis son nez du côté des Sparkassen (les caisses d’épargne), pour s’en inquiéter. Cela fait beaucoup pour un gouvernement qui fait barrage à la constitution d’un fonds européen de garantie des dépôts au prétexte de protéger les contribuables allemands des turpitudes des autres. L’éditorialiste du quotidien économique Handelsblatt a un peu perdu de sa superbe en dressant lui-même ce tableau.
La leçon est toute trouvée, aucun pays n’est préservé des miasmes de la finance, l’enfer ce n’est pas les autres ! Mais Wirecard donne aussi l’occasion de rappeler qu’argent « propre » et « sale » se mélangent allègrement au sein du système financier, le « sale » étant estimé à 2.000 milliards de dollars, en progression constante. Les blanchisseries d’antan, les loteries et autres casinos sont des moyens de blanchiment surannés et dépassés, l’économie numérique offre un cadre à la mesure des besoins. La finance de l’ombre porte décidément bien son nom, sans oublier que de multiples passerelles existent avec celle qui a pignon sur rue, l’argent n’ayant pas d’odeur !