On vous l’avez bien dit, tout va s’arranger ! Les juges de Karlsruhe vont s’accommoder des documents internes que la BCE va leur transmettre via la Bundesbank, les apparences vont être sauves et les achats obligataires vont pouvoir se poursuivre. Voilà une bonne chose de faite. On observe d’ailleurs que cette politique monétaire fait école parmi les pays émergents et n’est plus réservée aux grandes banques centrales, depuis la Fed jusqu’à la banque populaire de Chine. Une ère nouvelle s’annonce !
Le petit souci de la dette publique, l’argument majeur en faveur de réformes porteuses d’austérité, n’est plus d’actualité quand il faut protéger la consommation, cette mère de la croissance. La défense de l’emploi prend sa succession, au nom de laquelle des sacrifices salariaux vont toutefois être demandés. Le financement du chômage partiel ravage les finances publiques et cela ne peut pas durer éternellement, tandis que les comptes de la sécurité sociale et de l’assurance-chômage sont gravement détériorés. Mais, dans le climat d’incertitude régnant, il ne peut pas être compté sur le bas de laine des particuliers pour soutenir la consommation.
L’équation est posée à l’échelle de toute l’Europe, les programmes de soutien y finançant 45 millions d’emplois si l’on additionne les Allemands, Britanniques, Français, italiens et Espagnols. Tandis que des pans entiers de l’économie ne sont pas prêts de retrouver leur niveau d’activité d’avant la crise. La voie est étroite alors que les perspectives d’emploi sont très sombres.
Chaque chose en son temps ! il faut boucler dans l’immédiat le plan de relance européen en parvenant à un compromis auquel tous les gouvernements sont par avance résignés. Une intense activité diplomatique est consacrée à cet objectif afin de pouvoir se prévaloir d’un grand succès, car il est moins une ! un coup d’arrêt doit être impérativement apporté à la poursuite du démantèlement de l’Union européenne, même s’il est clairement insuffisant. La BCE veille au grain de son côté, les cadeaux au système bancaire n’arrêtent pas et les taux obligataires restent au plancher, mais question relance les gouvernements sont au pied du mur.
Après avoir dû parer au plus pressé en opérant le sauvetage des secteurs les plus sinistrés, comme le transport aérien ou l’industrie automobile, un constat s’impose : le chiffre d’affaires perdu ne sera pas retrouvé. C’est en particulier le cas pour les transports en général, l’industrie du spectacle, de la restauration ou du tourisme, et la liste des activités dans le besoin s’allonge de jour en jour du côté des PME-PMI. L’État entend tous les jours frapper à sa porte avec insistance. L’économie a déraillé et les banques centrales ne peuvent pas faire de miracles dans ce domaine, à moins de se résoudre à de grosses transgressions. L’accroissement de l’endettement est inéluctable, les États-Unis en montrent l’exemple même si les Républicains maintiennent un barrage qui va devoir céder en s’opposant au projet de nouveau plan de relance massif des Démocrates.
En Europe, les banques assurent le principal du financement des grandes entreprises, contrairement aux États-Unis où celles-ci vont prioritairement le trouver sur le marché, il faut donc les bichonner pour préserver l’avenir et leur capacité à distribuer généreusement le crédit. Cela ne va pas de soi, on l’a vu, quand elles ont rechigné à prêter même avec une garantie de l’État couvrant l’essentiel de celui-ci. Par touches successives, car plus discrètes, la distribution des cadeaux ne s’arrête pas. Aux dernières nouvelles, les logiciels informatiques dont elles sont grandes utilisatrices pourraient être comptabilisés comme des fonds propres bien que, si leur valeur économique est incontestable pour l’établissement qui en dispose, leur faible valeur à la vente l’est tout autant. D’autres modifications comptables de la fameuse norme IFRS 9 sont déjà intervenues ainsi que des assouplissements des règles relatives aux fonds propres et coussins de liquidités ainsi qu’au calcul du risque. Et, au cas où cela ne suffirait pas, les modalités de l’exercice annuel des besoins en capitaux de l’Autorité bancaire européenne (EBA) vont être « simplifiés » au nom d’une « approche pragmatique et efficace ».
Comme c’est bien dit !