Ont-ils d’autres registres que le mensonge (d’État) et les prévisions arrangeantes ? le ministre de l’Économie et des Finances français en fait douter. Convenant d’un « choc économique extrêmement brutal » et que « le plus dur est devant nous », Bruno Le Maire ne peut s’empêcher de prédire un rebond en 2021 dans lequel il a « une confiance absolue ». D’ici là, il sera toujours possible de réviser une nouvelle fois les prévisions de chute du PIB et d’accroissement de l’endettement…
La tonalité des commentaires n’est pas à l’optimisme. Entre les espérances qui se font jour et la réalité qui s’annonce, la balance penche de ce dernier côté. Il est prédit que les entreprises vont accorder la priorité à leur survie. Et si la crise va être un accélérateur de tendance, comme on l’entend, la prédiction marche dans les deux sens et souffre d’ambiguïté.
Après les entreprises au chevet desquelles les gouvernements sont placés, le tour des banques va venir. Il flotte dans l’air un parfum de « bad bank » afin de les soutenir en Europe. Les banques seraient en mesure de faire face aux défauts de remboursement prévus, a-t-il été affirmé, mais le doute est toujours possible avec des calculs fait sur un coin de table. Les régulateurs, qui ne sont pas le plus mal placés pour en juger, sont les premiers à s’en inquiéter. La solidité des banques pourrait être éprouvée, et elles ne seraient plus en mesure de soutenir le crédit pour en faire autant de la relance… C’est ce qu’a clairement signifié l’ancien ministre britannique des Finances Sajid Javid, au talent reconnu. Le relais a été ensuite pris par Andrea Enria qui préside le Conseil de surveillance de la BCE, puis par José Manuel Campa qui dirige l’Autorité bancaire européenne (EBA), pour qui une bad bank « aurait un sens »…
Somme toute, la garantie apportée par l’État aux banques lorsqu’elles prêtent aux entreprises (au Royaume-Uni, elle est de 100%) ne sera pas suffisante. Ce qui est en train de s’opérer en Italie pour la banque Monte dei Paschi di Siena, avec désormais l’assentiment de Bruxelles étant donné les circonstances, pourrait faire école. Les bad banks vont entrer dans la danse afin d’ouvrir la perspective de leur renflouement ultérieur par des fonds publics. Il ne sera pas question d’activer le mécanisme de l’Union bancaire qui prévoit qu’un « fonds de résolution unique » financé par les banques soit mis à contribution pour faciliter la restructuration ou la liquidation d’une banque. Soyons clair, il a d’ailleurs été rarement activé quand l’occasion s’en présentait !
Une fois le sort du système bancaire réglé, il restera celui de la banque de l’ombre, mais heureusement la BCE veille déjà au grain. Le marché des fonds monétaires n’a en effet pas dit son dernier mot après l’alerte sonnée en mars dernier qui l’a incité à intervenir sur les brisées de la Fed. Tout se résume à un simple constat, les emprunts sont à court terme sur celui-ci, mais les banques qui s’y rendent doivent fournir des garanties, des actifs dénommés collatéral. Et si la valeur de ceux-ci chutent, des appels de marge appellent à les accroitre. Soutenir la valeur de ces actifs est donc la tâche des banques centrales qui s’y emploient. Car sinon, ce serait l’effet boule de neige qui serait garanti, pas le remboursement des prêts, et cela se ferait au détriment des investisseurs dans les fonds monétaires : les fonds d’investissement, compagnies d’assurance et fonds de pension… Les fonds d’investissements jouent en effet un rôle grandissant sur le marché des fonds monétaires et assurent la liquidité financière sans laquelle tout le système se bloque.
Pour que le panorama soit complet, le même mécanisme joue pour les produits dérivés dont les transactions doivent désormais être « collatéralisées ». Et, quand le prix des actifs apportés en garantie baisse, d’autres doivent être apportés en complément. Le dernier rapport sur la stabilité financière de la BCE donne à cet égard de nombreux éléments d’appréciation, prélude à l’accroissement des achats de titres de son programme PEPP réclamé avec insistance par « les marchés ». Un dessin n’est pas nécessaire.