Un malheur n’arrive jamais seul. La Société Générale, confrontée à des « rumeurs de marché » insistantes, a tenté de couper court en devançant la date de publication de ses résultats trimestriels. Elle a dû reconnaitre ses grosses pertes dans la banque d’investissement, et ne va pas pouvoir en rester là en ce qui concerne ses provisions pour défauts de crédits. Le temps de la splendeur est révolu, la Société Générale enregistre la chute de sa valorisation boursière et entraine BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE et Natixis dans son sillage, sans même attendre la publication de leurs résultats demain et après-demain. Le secteur bancaire français ne peut plus prétendre à l’exception dans son splendide isolement.
L’excellence de la banque sur le marché des produits dérivés complexes, dont elle était si fière, a cessé d’opérer sa magie. Son PDG Frédéric Oudéa ne résistant pas au plaisir, malgré sa déconfiture, de plastronner en rappelant que « nous n’avons pas d’égal dans le monde ». Ayant tardé à réorienter ses activités de marché pour les rendre moins risquées, il présente sa mauvaise fortune comme la conjonction de multiples facteurs, dont des « dislocations de marché inédites », comme si le sort était aujourd’hui contre sa banque. Oubliant qu’elle avait été renflouée sur ce même marché lors de la précédente crise de 2007, la Federal Reserve ayant alors donné les moyens à l’assureur américain AIG de régler sa dette de 12 milliards de dollars, ce qui l’avait à l’époque sauvée. La performance des produits structurés est très sensible aux chocs de marché, la Société Générale vient d’en refaire l’expérience.
Dans le contexte d’une chute du PIB français supérieure à celle de la zone euro, les banques françaises vont devoir revoir leur calcul du risque du crédit, pour lequel elles bénéficient avec les banques européennes d’une certaine mansuétude de la BCE. D’ores et déjà, les provisions de la Société Générale restent nettement inférieures à celles de ses concurrents Santander, HSBC et Barclays.
Une comparaison du montant des provisions des banques européennes et américaines est très éloquente, ces dernières prévoyant des pertes pour risque de crédit bien supérieures. En Europe, la grande malade Deutsche Bank provisionne a minima, y aurait-il une corrélation ? Le réveil risque d’être douloureux quand le calcul du risque repose sur des prévisions économiques à trois ans et qu’il est toujours possible de spéculer sur le papier sur une reprise rapide. À moins d’anticiper les effets de mesures de soutien public à venir…
« A moins que… »
On ne peut pas dire plus ?
Cette fois ça va être un vrai tour de force de faire du miel de la déconfiture.
Pour les métamorphoses on cite souvent Ovide et l’on préfère oublier Kafka.
Tenez bon la rampe !