Il a fallu du temps pour y parvenir, mais c’est chose faite : la stratégie de « l’immunité collective » est abandonnée, et il va falloir attendre la disponibilité d’un traitement ou d’un vaccin pour supprimer dans la vie courante les mesures de protection. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire et à conjuguer avec la reprise progressive de l’enseignement et du travail.
Corrélativement, l’économie ne va pas pouvoir repartir comme avant, des pans entiers étant sinistrés et l’emploi éprouvé. Des « secteurs essentiels » étaient hier à préserver, les « joyaux nationaux » bénéficient désormais des mêmes intentions, mais il n’y en aura pas pour tout le monde. Les lettres de l’alphabet sont mises à contribution pour symboliser la relance, mais le « V » et le « U » ont été abandonnés au profit du « L » qui est suffisamment expressif.
Tel qu’il se présente, l’avenir va combiner au mieux une croissance très faible, une tendance déflationniste et un taux obligataire maintenu très bas aux bons soins de la BCE. Aux yeux des autorités, qui n’ont pas d’autre ressource vu les besoins de financement, cela permet dans l’immédiat de s’endetter sans compter tout en opérant un virage à 180 degrés. Nécessité fait loi.
On voit ainsi se dessiner une stratégie qui repose sur deux piliers. D’un côté un endettement qui s’accroit très rapidement, qu’il n’est plus question de réduire, de l’autre un déficit qu’il faudra cependant contenir non sans mal dans l’avenir. Les règles du pacte budgétaire européen, qui est suspendu, devront être revues en conséquence s’il n’est pas simplement oublié. La dette ne sera pas remboursée mais « roulée », et sa maturité sera rallongée grâce à des émissions les plus longues possibles à défaut d’obligations perpétuelles. Ce pas pourra d’ailleurs être franchi si la BCE s’affranchit de l’interdiction d’acheter des obligations dont la maturité dépasse 30 ans.
La BCE sera un élément décisif d’une telle stratégie, car elle conservera à son bilan qui continuera à enfler les titres souverains dont elle poursuivra les achats, les déficits budgétaires publics diminués pour ne nécessiter que des émissions supplémentaires réduites. De fait, ces titres détenus par la BCE s’apparenteront à des obligations perpétuelles, fruit d’un partage des tâches implicite avec les gouvernements. La stabilisation des prix, mission officielle de la banque, sera de fait élargie, sans qu’il soit nécessaire d’adopter celle de la Fed américaine qui est légalement censée veiller aussi à l’emploi.
Afin de réduire le coût de la dette en complément les gouvernements pourront faire appel à l’épargne des particuliers, qui a gonflée en raison du confinement, et créer sous une forme ou sous une autre un fonds dédié à la reconstruction, les précédents historiques ne manquent pas (*).
Pour le patronat qui n’a pas tardé à se manifester, une telle stratégie impliquera la révision des normes de réduction de gaz à effet de serre et les mesures de gestion durable des ressources, qui représentent un frein pour sortir de la crise économique. En position de force, le secteur bancaire qui bénéficie déjà d’un assouplissement des normes réglementaires va également demander son petit cadeau. Le déficit budgétaire va par contre être diminué à la faveur d’un nouvel arbitrage entre sa maitrise et l’approfondissement de la crise sociale et politique qui en résultera. Et la lutte contre le réchauffement climatique viendra derrière malgré l’avènement irrépressible de la prochaine crise, l’actuelle n’étant pas terminée.
(*) Eric Woerth, le président français de la commission des finances, a déjà proposé la création d’un « Livret C » sur le modèle du Livre A, dont on peut présager que sa rémunération serait plus attractive pour l’État que pour les épargnants.
La demande est réduite à l’offre : implacable équilibre.
Les valeurs boursières dégringolent, le discobole est cloué en croix si l’on risque une image.
Une civilisation s’effondre en douceur sous nos yeux.
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Mine de rien.