Selon une fiction savamment entretenue, l’interdiction du financement des États par la BCE est respectée. En réalité, celle-ci contourne allègrement la difficulté en achetant la dette souveraine sur le second marché auprès des banques et des investisseurs, qui ne la détiennent que brièvement dans ce cas. Mais la banque a d’autres ressources, il lui suffit de modifier les règles qu’elle s’est elle-même donnée.
Dans l’immédiat, on comprend pourquoi l’Italie est parvenue à placer sur le marché une émission obligataire de plus de 100 milliards d’euros, quitte à accepter un taux d’intérêt plus élevé : les investisseurs ont la garantie que la BCE les achètera. Elle a de surcroit abandonné la règle de répartition de ses achats au prorata des PIB des pays. Et, au passage, elle a également recommencé à acheter de la dette grecque après une longue période d’interruption.
La BCE a également décidé d’abaisser la barre de la qualité du collatéral qu’elle accepte en garantie de ses prêts. Une mesure qui va aider les pays et les entreprises les plus demandeurs et anticipe de leur demande accrue. Car les États ne sont pas seuls à bénéficier de ce soutien, la BCE achetant des titres de dette des entreprises et pouvant demain en faire autant des Exchange traded-funds (ETF) en cas de forte tension sur ce marché, qui se manifeste déjà sur le segment des ETF adossés aux valeurs pétrolières !
Le programme d’achats de titres en cours prévoit l’achat de 750 milliards d’euros et doit se terminer l’an prochain. Mais rien n’empêchera la banque d’accorder d’ici là une rallonge et ensuite de la renouveler. Devant l’impuissance des États à s’engager comme elle les en adjure, la BCE n’a pas d’autre choix que de faire face.
Il est déjà calculé que la majorité des émissions obligataires des pays de la zone euro de cette année va se retrouver à son bilan et qu’elle détient déjà environ un quart de leurs dettes. De fait, la monétisation des déficits est largement engagée ! Elle est appelée à se poursuivre si une « coopération renforcée entre autorité monétaire et autorités budgétaires » en venait à être reconnue en tant que telle.
Les autorités de la banque centrale européenne justifient leurs programmes d’achats de titres souverains en rappelant leur mission de veille de la stabilité des prix et leur objectif d’inflation, qu’elles ne parviennent pas à atteindre. En réalité, leur objectif est de stabiliser le marché de la dette afin de rendre l’endettement le plus soutenable possible. Au risque de devoir considérer demain qu’il ne l’est plus et d’accroître encore ses achats ! La BCE déplore la rupture des mécanismes de la transmission monétaire et constate que les banques n’en font qu’à leur tête, une parade devrait être trouvée !
Nécessité fait loi.
C’est en toute indépendance (dit-on) que les BC décident, moins coincées que le politique, frileux de son pouvoir qui n’a qu’un temps et n’a de toute façon pas droit au chapitre sur l’usage de la monnaie.
Reste une interrogation sur la finance, jusqu’où va le nécessaire sans que ne déborde la suffisance en son domaine réservé ?
Par delà les comptes du futur remue la vie et ses espérances : comme autant de questions nouvelles, sans doute.
Retour à l’inédit pour sauter sans visibilité dans un monde nouveau.
La Banque Centale Européenne (BCE) est un agglomérat, inégalitaire, de banques centrales « nationales » (chacune devant devant « chacun pour soi » emprunter aux marchés). Il est donc clair que le destin de chacun d’entre-nous dépend de la représentation de la BCE dans Banque des Règlements Internationaux (BRI), laquelle est située à Berne, depuis 1933 (37?) dans un immeuble inviolable, juridiquement totalement indépendant des États.