L’ampleur de la récession qui se creuse et des réponses budgétaires qui enflent ont de quoi impressionner. Le ballet des montants qui circulent ne cesse de s’accélérer. Les finances publiques sont durement sollicitées alors que les recettes fiscales diminuent. De quoi être étourdi et oublier l’essentiel, qui va payer l’addition va être la grande question ! Si dans un premier temps l’accent est mis sur l’effort qui va devoir être fourni, on pressent que par la suite le renforcement de l’austérité l’accompagnera. En attendant une course de vitesse est engagée entre la relance et la ponction sur les finances.
Quelle dose de celle-ci sera-t-il possible d’imposer sans susciter un haut le cœur social et un dérapage politique ? Le montant du déficit et des dettes sera tel qu’il va falloir saucissonner le problème, l’équation allant être d’autant plus compliquée à résoudre que l’État prend à sa charge une large partie de la dette privée afin d’éviter des faillites en cascade.
Comme il ne sera pas question d’augmenter les impôts des plus aisés et de taxer le patrimoine, ce qui d’ailleurs ne réglerait pas tout, il va falloir jouer sur d’autres cordes. En Europe, la mutualisation des dettes et l’étalement des remboursements auxquels certains se raccrochent ne sont pas une panacée, procurant tout juste un adoucissement de la peine. D’autant qu’ils supposent un accord politique qui sera d’autant plus difficile à obtenir que la pandémie est moins forte au nord, reproduisant la division Nord-Sud. Le découplage s’est poursuivi sous une autre forme, le danger de la fragmentation rebondit. L’Académie des sciences allemande, dont Angela Merkel dit qu’elle est son bréviaire, appelle déjà au retour futur à la règle du déficit zéro, les règles du « pacte de stabilité » ne sont que suspendues et ne sont pas déclarées hors sujet. La capacité collective des dirigeants européens à trouver des solutions communes n’a jamais été autant sujette à caution.
Faute d’accord sur les euro-obligations, les débats européens sont déportés sur deux autres sujets, la mise au point du plan de la relance (dénommé le « plan Marshall) et l’adoption du budget pluri-annuel, qui sont étroitement liés. Ils promettent d’être aussi difficiles à trancher, car ils n’évacuent pas la problématique du partage et de la mutualisation qui est sous-jacente.
L’implication de la BCE pourra-t-elle être éludée ? en quoi pourrait-elle consister ? Ayant déjà, de fait, monétisé en douce la dette publique en l’achetant massivement, et le poursuivant, elle pourrait augmenter ses achats. Avec pour objectif, revendiqué ou non, de monétiser la partie de la dette qui sera attribuée à la lutte contre les effets de la pandémie. Ce sera la solution de dernier ressort, quand les autres auront donné tout ce qu’elles pouvaient.
Mais qui représentera la solution de dernier ressort, les États européens ou leur banque centrale commune la BCE ? La question trouvera peut-être une autre réponse, pays par pays, si la zone euro ne résiste pas à l’épreuve. Cela dépendra notamment du sauvetage ou non de l’Italie et de sa demande d’un prêt du MES, faute de mieux. Mais cette option suppose de trouver une majorité parlementaire pour l’entériner, et on sait que de toute façon les moyens actuels du MES n’y suffiront pas…
L’interrogation à propos de la durée et de la profondeur de la récession domine toutes les autres. Plus elle dure et s’approfondit, plus la dette augmentera et plus sa gestion deviendra problématique. C’est pourquoi les dirigeants européens en sont venus à se comporter comme des généraux à la veille d’une bataille : quel va être le niveau soutenable des pertes se demandent-ils ?
Dans le meilleur des cas*, la note va être salée. Comme on le voit, dans de nombreux secteurs l’Etat est appelé à la rescousse en opérant des choix et les médias de s’esbaudir de la rapidité de ses interventions … et d’en redemander … mais je ne vois qu’un seul endroit où l’argent salvateur soit réellement visible et présent : c’est sur les comptes courants de tout un chacun.
Ah !
Parce des taxes sur les produits de première nécessité n’est guère envisageable.
Alors ponction de combien 10%, 20% ?
Est-ce manquer d’imagination ?
* Par « Dans le meilleur des cas » faut entendre une reprise possible d’une partie de l’activité économique, une perspective courte à 1 an.