Devant l’ampleur de la récession et son cortège de conséquences – économiques, sociales et financières – le déconfinement doit être engagé dès que possible pour nos autorités. C’est le fruit de leur arbitrage en faveur d’une relance, plus ou moins modulée et risquée, sans trop savoir où il les mènera.
La question est brulante dans toutes les régions du monde. Aux États-Unis, Donald Trump s’arroge tous les pouvoirs, dont celui de décréter la fin du déconfinement, une décision qui est constitutionnellement du ressort des gouverneurs des États. En Europe, de premières mesures sont déjà intervenues, notamment en Espagne ; elles sont à l’étude dans d’autres pays comme l’Italie et la France pour application à des échéances rapprochées. Aucun gouvernement n’y résiste, ce qui conduit la Commission à appeler sans garantie de succès à la définition d’une doctrine commune.
Un seul chiffre fait réfléchir, qui a été énoncé par Valdis Dombrovskis, l’un des trois vice-présidents de la Commission. Il « imagine » que les États européens pourraient garantir des emprunts de 1.500 milliards d’euros de la Commission. Rien n’est décidé, a-t-il précisé, cela demandant l’aval des chefs d’État et de gouvernement. Certains d’entre eux ne verront pas une grande différence entre cette proposition et l’émission d’euro-obligations qu’ils rejettent… Mais, si cela devait être entériné, cela laisserait pendante la question du remboursement, quand bien même ces emprunts seraient à très long terme comme proposé par le commissaire Thierry Breton, pour un montant moindre mais tout de même de 1.000 milliards d’euros.
La question est désormais sur le tapis et va d’autant moins pouvoir être éludée que Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, a déclaré qu’il ne ferait en aucun cas appel au Mécanisme européen de stabilité (MES). Il faudra bien trouver une manière d’éviter un effondrement de l’Italie auquel la zone euro ne résisterait pas et pour y parvenir il faut plus que de la menue monnaie.
Parmi les murs qu’édifient les autorités européennes figure celui de la dette, eux qui hier encore en faisaient le diable en personne. Or ils n’ont pas la moindre idée de comment ils vont plus tard s’y prendre pour la rembourser. Les recettes éprouvées de la politique d’austérité auront des conséquences politiques incalculables. Venant d’horizons parfois inattendus, les appels contradictoires à de nouvelles recettes se multiplient. Certains fondent leurs espoirs dans la monétisation accrue de la dette par les banques centrales, qui a déjà de facto commencé, d’autres sur des restructurations et des abandons de créances qui leur épargneraient cette peine. Une véritable révolution dans les deux cas.
Nous n’en sommes pas encore là, mais les effets de l’irrésistible récession économique se propagent au sein du système financier et vont alimenter la réflexion. Car les banques et les fonds d’investissement n’en sont pas immunisés, alors que les injections massives de liquidités et la baisse des taux directeurs des banques centrales produisent déjà des effets délétères.
La fuite en avant était jusqu’alors un recours, la porte est en train de se refermer.
François,
Votre analyse est la plus claire, de tout ce que j’ai pu lire sur des sites non fréquentables.
Une porte assurément se ferme, cependant, pour en ouvrir une autre, ne pouvons-nous réinventer un – circuit du trésor (1946) – entre les nations européennes qui voudront se reconstruire en rupture avec l’ordo libéralisme ?
PS. Le grenouillage politique se positionne pour endosser le blason de l’héritage du CNR.
les dépenses de l’Etat central français seront en 2020 composées à 70%
de crédits bancaires qui de fait seront en raison de la nature des dépenses des crédits à la consommation. Cf http://www.lacrisedesannees2010.com/2020/04/premieres-reflexions-sur-le-quoi-qu-il-en-coute.html
Dans cet article on peut lire un début d’analyse prospective des futurs rapports entre Trésors et banques centrales, avec leurs conséquences sur le système financier.