Les arbitrages se succèdent, mais pas dans une clarté aveuglante. Hier il fallait choisir entre la protection sanitaire et celle de l’économie. Devant l’ampleur de l’effondrement économique, un autre choix se présente aujourd’hui entre le déconfinement progressif et la relance ciblée. Les réponses sont à nouveau disparates, mais leurs résultats ne sont pas assurés, quelle que soit la stratégie adoptée.
La crise est globale, économique, sociale, écologique, politique et ses conséquences financières sont difficilement contenues. Elle est systémique, résultat d’une dynamique qui n’est pas maîtrisée. Des montants colossaux sont mobilisés par les gouvernements, mais ils se révèlent à chaque fois insuffisants.
Une urgence en chasse l’autre, les pressions en faveur d’une relance économique immédiate s’amplifient afin d’arrêter de creuser un trou financier qu’il faudra bien combler. D’autres arbitrages sont donc en vue afin de choisir entre rembourser les dettes, les monétiser, les restructurer en grand, ou même les éponger partiellement, mais il est préférable de ne pas attendre, ce qui les rend plus délicats encore. Afin d’éviter l’étouffement de l’économie, il faut donc entamer le déconfinement, mais comment ?
Le tâtonnement est de rigueur, sauf pour les criminels à la Bolsonaro, le président brésilien, qui persiste à faire état de l’immunité naturelle des brésiliens, et tout particulièrement de celle des fidèles de l’Église évangélique, l’un de ses principaux points d’appui. Irresponsable, il appelle à la reprise du travail et incite au déconfinement.
Les gouvernements qui avaient cru pouvoir jouer la stratégie de « l’immunisation collective », au Royaume Uni ou aux Pays-Bas, ont dû revenir sur ce choix tardivement. Et Donald Trump, qui conserve dans sa ligne de mire le renouvellement de son mandat en novembre prochain, continue de minorer les effets de la pandémie, flattant au plus bas son électorat et ne manifestant pas une sensibilité prononcée devant l’hécatombe qui est en cours et va s’amplifier. La reprise est pour lui vitale, il lui accorde la priorité.
Dans les pays où le confinement est la règle, les choses ne sont pas claires pour autant, les pressions augmentent pour qu’il soit assoupli et la définition en cours d’une stratégie de déconfinement reste un exercice théorique quand elle n’est pas l’objet d’incantations. En Allemagne, l’impatience grandit, Christian Lindner, le leader du FDP libéral lance « des masques oui, des muselières non ! » et Armin Laschet, qui aspire à la succession d’Angela Merkel, plaide pour le retour rapide à une « normalité responsable ».
Les difficultés commencent quand il s’agit de préciser en quoi elle pourrait consister. Elles s’accroissent même depuis qu’il est apparu que le nombre de personnes ayant été au contact du virus et développé les anticorps permettant de lui résister est beaucoup plus faible que prévu. Compte non tenu que l’on ne sait pas combien de temps elles pourraient bénéficier de cette immunité.
Comme il a été – pour une fois – clairement expliqué, la stratégie de confinement a pour objectif de permettre au système sanitaire de tenir le choc et de contenir le nombre des victimes. Mais, par la suite, il faut attendre que le taux des personnes immunisées atteigne un certain seuil, on parle de 50 à 60% pour qu’un retour à la normalité soit concevable, c’est la stratégie de l’immunité collective. Ce qui met en évidence un sérieux paradoxe : la stratégie de déconfinement protège mieux, mais elle éloigne le moment où ce seuil sera atteint ! Il en ressort que, pour être responsable, le déconfinement ne pourra intervenir que lorsque l’autre stratégie sera envisageable, quand un vaccin sera trouvé, produit en très grande quantité, et que la population sera progressivement vacciné.
Ce calendrier va couvrir combien de mois et d’années ? Va-t-il pouvoir être résisté aux pressions entre temps ?