Une « profonde récession » attend l’Europe, s’inquiète le FMI, la considérant comme « un fait acquis ». S’en tenant à l’effet des arrêts estimés de la production « non essentielle », Poul Thomsen, son directeur pour l’Europe, estime la baisse de son PIB annuel à 3%. Ce n’est qu’une estimation conservatrice en attendant la suite.
Comment y répondre ? Afin de préparer la prochaine réunion de l’Eurogroupe, et celle du Conseil de l’Europe qui la suivra, son président Mario Centeno a adressé une lettre aux ministres européens des Finances. Prenant comme un fait également acquis que l’endettement des pays de la zone euro allait « inévitablement » sortir de la crise avec un niveau « beaucoup plus important », il met en garde contre le risque de sa « fragmentation ». Il évite le terme d’éclatement, mais l’idée est là.
L’enjeu est de trouver une réponse commune et cela ne va pas de soi. Mario Centeno en vient à la phrase clé de son courrier : « nous devons explorer les moyens de mettre en œuvre les instruments existants mais nous devons être ouverts à l’examen d’autres solutions, lorsque les premières s’avèrent inadéquates », une allusion transparente aux corona-obligations rejetées lors du dernier Conseil Européen par notamment Angela Merkel agissant en chef de file du clan du refus.
Sa crispation trouve son explication dans les différentes hypothèses d’amplitude de la récession du conseil des experts économiques du gouvernement allemand. Dans le pire des cas, elle est estimée pour cette année à 10% et dans le meilleur à 2,8%. À comparer avec le taux annualisé de 30% de chute que connait actuellement la France. Les prévisions sont comme chacun sait faites pour être démenties, mais elles éclairent les choix politiques de ceux qui s’y accrochent. Au regard de celles-ci, l’attitude des autorités allemandes est-elle si surprenante ?
L’Eurogroupe n’est pas seul à la tâche. La Commission cherche une solution de financement à son budget pluri-annuel, d’autant plus lointaine que le compte s’alourdit afin de faire face à la récession après avoir dû englober la lutte contre le réchauffement climatique. Ce n’est plus un fossé mais un gouffre qui est à combler entre ce qui lui est proposé et ses besoins ! Afin d’y parvenir, elle peaufine un nouveau plan Juncker qui aura pour objectif de démultiplier son effort initial en faisant appel aux capitaux privés. Un coefficient de 15 serait étudié et une augmentation de 1,1% de son budget requise (au lieu des 1% maximum octroyés). Avec une calculette, on fait des miracles sur le papier !
Si l’on compare les mesures de toutes natures prises par les autorités américaines ou japonaises, celles des européennes ne font pas le poids rapportées aux PIB. La constatation est sans appel. Quel degré d’urgence faudra-t-il pour débloquer la situation et comment ? Revendiquer l’humilité, faute de mieux, comme le fait Emmanuel Macron ne dispense pas de se montrer responsable.