Cinq heures ont été nécessaires aux membres du Conseil européen pour conclure leur téléconférence sans un quelconque accord, un genre qui s’est installé. Non, c’est non ! Angela Merkel s’est opposée de la manière la plus catégorique à l’appel lancé par les neufs pays de la zone euro, s’en tenant à une activation du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui n’a pas été décidée pour ne pas répondre aux exigences de la situation qu’a relevé Giuseppe Conte. La suite est renvoyée à un Eurogroupe qui n’aboutira pas plus, sa précédente réunion s’étant terminée par l’attente d’un arbitrage …du Conseil européen. Ils tournent en rond.
Il y avait déjà le groupe de Višegrad à l’Est et la reconstitution de la Ligue hanséatique au Nord, une nouvelle coalition s’est de facto constituée, regroupant l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, a été à l’offensive mais n’a obtenu que la référence à un « esprit de solidarité » dont on cherche vainement la manifestation dans le communiqué final de sept pages rempli de bla-bla. Et les dirigeants allemands sont même parvenus à bloquer la création d’une structure anti-crise au niveau européen, ce qui est célébré par la presse nationale. L’espérance dans l’évolution des autorités allemandes a fait long feu. Plus que jamais, la rétention prévaut et c’est chacun pour soi et Dieu pour tous, pour les croyants !
Pendant ce temps-là, on a pu constater en lisant le détail du dernier plan de la BCE que les gouverneurs ont raclé les fonds de tiroir. Il n’y a plus de limite de facto à ses achats obligataires et, contrairement aux prêts du MES, ils ne sont soumis à aucune contrepartie. Plus question non plus de limiter les achats afin de ne pas dépasser la limite bloquante de détention de 30% de la dette d’un État. Enfin, le Mario Draghi des grands jours a ressurgi sous la forme d’une contribution musclée dans la presse, comme si le leadership de Christine Lagarde avait besoin d’un appui, car la BCE continue à rester seule en piste.
António Costa, le premier ministre portugais, a dénoncé « la « mesquinerie récurrente qui menace l’avenir de l’Union européenne » en référence aux propos tenus précédemment par le ministre néerlandais des finances Wopke Hoekstra. Y a-t-il quelque chose à ajouter ?
Un an avant l’implosion de l’URSS, l’inénarrable Alain Minc s’inquiétait de la « finlandisation » de l’Europe. Il paraît qu’il fait toujours partie des visiteurs du soir : c’est dire ! Ces gens-là ne voient pas que ce sont les dernières semaines pour sauver l’EU avant l’implosion. Frédéric Lordon a repris en cinq mots une qualification pour « notre » gouvernement (c****ds) et il est évident qu’elle s’applique parfaitement à la majorité des dirigeants européens et aux eurocrates qui prennent les basses décisions en leur nom.
Varoufakis nous avait averti que le traitement néocolonial imposé à la Grèce était un avertissement à la France… Comment imagine-t-on à Berlin d’imposer ça à un grand pays comme l’Italie ?
À la coalition latine (Italie, Espagne, Portugal) il faut ajouter la France (Piketty y avait pensé, je crois, à ce front du refus) mais avec Macron au pouvoir ce sera impossible.
Je suis infiniment attaché à l’Europe, je suis Français ET Européen : pour que cet idéal vive, il faudra sans doute le rebâtir sur des ruines fumantes et avec des peuples libérés.
Editorial du Monde : L’ampleur de la crise déclenchée par la pandémie de Covid-19 sera-t-elle fatale au projet européen […] ? »
Le terme « dégoûtant » utilisé par le premier ministre portugais n’est pas cité et la question n’est pas abordée de savoir si les pays d’Europe du sud – ou du moins l’Italie, l’Espagne et le Portugal puisque les autres semblent avoir renoncé – sont décidés à faire tout ce qui est possible pour avoir gain de cause.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/27/un-moment-de-verite-pour-l-europe_6034633_3232.html
l’UE c’est comme la Couronne britannique, tout le monde est d’accord pour faire durer le plus longtemps possible mais personne n’y croit plus ?