Aux États-Unis, les craquements se multipliant au sein du système financier, la Fed a fait feu de tout bois. La plus spectaculaire mesure a été la baisse de son principal taux, qui va officiellement fluctuer entre 0 et 0,25%. Les bourses européennes ont toutefois continué à plonger et, en attendant l’ouverture de Wall Street, la baisse de 5% intervenue sur l’indice S&P 500 des futures n’augure rien de bon.
La recherche soudaine d’un refuge a causé une crise de liquidité sur le marché des obligations, des devises et du crédit à un degré qui n’avait pas été vu depuis le dernier épisode aigu de la crise. Les banques sont devenues plus résistantes, fait valoir le président de la Fed Jerome Powell, mais le ralentissement prononcé des transactions grâce auxquelles le système financier conserve son équilibre reste une plaie mortelle. Le danger s’en est manifesté avec la hausse du Libor, qui mesure les coûts sur le marché interbancaire, et celle des Credit Default Swaps (CDS) qui fait de même sur le marché de la dette des entreprises.
De fortes tensions sur le marché des obligations publiques – dont la taille gigantesque est de 17.000 milliards dollars -ainsi que sur celui des Mortgage-Backed Securities (MBS) – cet autre énorme marché – ont également sonné l’alarme. Il n’a donc pas suffit que la Fed injecte sur le marché du repo, où les banques se financent, des milliers de milliards de dollars. Elle va en plus acheter pour 500 milliards de dollars d’obligations du Trésor et pour 200 milliards de dollars de MBS, et a également passé des accords de swaps avec cinq banques centrales, dont la BCE et la Banque d’Angleterre, afin de leur procurer des dollars pour ne pas perturber le commerce international.
Un autre signal d’alarme avait été récemment lancé par une brochette d’anciens économistes du FMI et banquiers centraux. Selon eux, l’économie mondiale est entrée en récession sans qu’il soit besoin d’attendre les statistiques qui le confirmeront. Ils s’inscrivent en contradiction avec les déclarations officielles qui tendent à minorer le choc à venir et à sous-estimer sa durée, bien que les plus lucides d’entre eux reconnaissent que leurs modèles prévisionnels ne sont pas adaptés à l’analyse d’une situation des plus inédite.
La crise force son chemin en Europe. Christine Lagarde s’est excusée auprès des gouverneurs de la BCE en raison des tensions sur le marché obligataire affectant l’Italie qui ont résulté de sa prestation face à la presse. Présentée comme une erreur de communication, sa vision purement juridique de la mission de la banque centrale est en fait parfaitement en phase avec celles des autorités allemandes, qui l’ont d’ailleurs fait savoir. Celles-ci ont par ailleurs opéré une volte-face en fermant quasiment leurs frontières avec la France, la Belgique et la Suisse, enfonçant un clou dans le couvercle du cercueil de Schengen.
Les déficits budgétaires italiens, espagnols et français sont partis pour crever les plafonds. Si formellement le « pacte de stabilisation » ne va pas être suspendu, cela va être tout comme. La clause de « crise générale » qui le permettrait n’est pas encore activée, la commission s’en tient à la clause dite de « circonstances exceptionnelles » permettant d’assouplir les règles, mais pour combien de temps ? Et la BCE a perdu une bonne occasion de proclamer, pour la seconde fois, qu’elle fera tout ce qu’il faudra. La désagrégation de l’Europe va lentement se poursuivre, à moins que l’aggravation de la situation italienne ne la précipite.
Les décisions des membres de l’Eurogroupe, désormais réunis en téléconférence, sont maintenant attendues…