La part du rêve qu’il faut à tout prix préserver

L’actualité offre parfois l’occasion de rêver et, lorsque l’on s’y laisse aller, donne l’espoir de vivre de véritables tournants politiques aux États-Unis et en Allemagne, sans trop oser le dire de peur d’être à contrecourant.

Jusqu’où va être propulsé Bernie Sanders, qui semble porté par une dynamique qui ne se dément pas, fruit de l’élargissement de sa base initiale de supporters dans les communautés hispanique et afro-américaine ? En dépit des coups fourrés des caciques du parti démocrate qui veulent lui barrer le chemin, ainsi que de la puissance financière de Michael Bloomberg, sortira-t-il vainqueur de la convention chargée de désigner l’opposant à Donald Trump ? Rebondira-t-il en gagnant contre lui aux présidentielles ? Ce rêve semblait fou, mais il acquière de la consistance avec la publication de sondages favorables. Pour un peu, on se prendrait à y croire !

Sur quoi va déboucher la crise politique allemande ? Un fait nouveau vient d’intervenir avec la publication de plusieurs sondages accordant la majorité à une coalition Verts-SPD-Die Linke. Ténue, celle-ci demande à être confirmée, mais la chose n’est pas invraisemblable étant donné la détérioration de l’économie allemande qui s’approfondit. Tandis que la CDU entre dans une crise qui ne se résoudra que par la désignation du successeur d’Angela Merkel, alors qu’émerge une candidature susceptible d’assurer la continuité de sa politique de centre-droit, celle d’Armin Laschet. Selon les mêmes sondages, une coalition rassemblant CDU/CSU, FDP et AfD, peu vraisemblable et dont il n’est d’ailleurs pas porteur, serait minoritaire.

La formule Rouge-Rouge-Vert prend des couleurs, n’excluant pas toutefois la réalisation d’une coalition CDU/CSU-Verts… Ce rêve rencontre toutefois ses limites, car la voie d’un changement de politique budgétaire européenne est de toute façon verrouillée par la Loi fondamentale (la Constitution). Et, dans l’opposition, le SPD pourra toujours afficher comme il commence déjà à le faire des bonnes intentions sans avoir à les concrétiser… Il n’empêche, un tournant allemand serait toujours bon à prendre.

Revenus sur terre, nous sommes à nouveau assaillis par les mauvaises nouvelles touchant les investisseurs, le terrain que nous avons déserté. Ceux qui avaient acheté des « obligations pandémie » émises par la Banque mondiale en 2017 boivent le bouillon, leur cours s’étant effondré de moitié. À leur corps défendant, ils vont financer la lutte contre le coronavirus. Son émission de 320 millions de dollars a été entièrement souscrite, pour l’essentiel par des fonds d’investissement, les nouveaux seigneurs de la finance. En contrepartie du risque pris, limité en raison des montants, des rendements élevés leur étaient garantis sur le mode des « obligations catastrophes » si bien nommées.

Par leur objet, ces titres s’inscrivent dans l’air du temps tout en n’ayant qu’une portée symbolique. Leur vocation effective est de se donner bonne conscience et d’afficher de louables intentions. L’implication des milieux financiers dans d’autres grandes causes que la leur reste à s’illustrer, et là on ne rêve pas…

4 réponses sur “La part du rêve qu’il faut à tout prix préserver”

  1. Désolé de casser l’ambiance, mais la république oligarchique américaine ne me semble pas devoir être menacée par le vieux Bernie. On croise déjà les doigts pour sa santé, mais surtout, les gueux étatsuniens étant domestiqués depuis plus d’un siècle par le capitalisme, le mot de socialisme reste synonyme pour une majorité d’entre eux de goulag et de stalinisme.

    Bref, la perspective peu crédible, mais pas impossible, d’un affrontement Trump/Sanders serait sans doute la finale de rêve pour les oligarques américains. L’assurance pour eux de voir la victoire de Trump (et quel plaisir d’imaginer les « progressistes » de la upper class obligés de voter Trump en se pinçant le nez ! 😀

    Un affrontement des deux milliardaires Trump/Bloomberg serait également parfait, mais offre l’inconvénient de démontrer d’une manière caricaturale ce à quoi en est réduit la populace locale: à choisir ses maitres.

    Non, la meilleure affiche de ce petit théâtre serait incontestablement le méchant Trump contre le gentil Buttigieg ! L’assurance de voir dans les deux cas la même politique se poursuivre, mais avec le mirage du choix et de la liberté pour les gueux.

    1. Ambiance muy caliente chez les démocrates…

      https://www.politico.com/news/2020/02/26/cops-called-bernie-backers-protest-117782?utm_source=CalMatters+Newsletters&utm_campaign=d9a4b78061-WHATMATTERS_NEWSLETTER&utm_medium=email&utm_term=0_faa7be558d-d9a4b78061-150247861&mc_cid=d9a4b78061&mc_eid=b09915c890

      On peut imaginer l’explosion du parti démocrate si les partisans de Sanders, déjà très échaudés par la nomination d’Hillary Clinton en 2016, ont une nouvelle fois l’impression de se faire voler la victoire pour cause de petit tripatouillage électoral entre amis.

    2. Roberto,
      tu oublies un peu vite que la politique a sa dynamique propre.
      Les électeurs ne sont pas des masses figées.

      Je ne pense pas qu’on puisse faire comme si les électeurs américains étaient condamnés ad vitam aeternam à voter avec leurs pieds et produire toujours le même résultat en termes de politiques appliquées. IL y a tout de même eu un Roosevelt dans ce pays.

      La bascule se joue parfois à peu de choses, un faux pas de Trump, un évènement national ou international qui plaide pour l’un ou l’autre des candidats.
      Et l’écart se creuse.

      La politique défie la loi des moyennes, des pondérations. On est très souvent dans le saut.

      Idem pour la suite dans le cas où Sanders serait le vainqueur de Trump.

      Une fois au pouvoir, la donne change, et une dynamique s’enclenche, pour peu que le vainqueur mette à profit sa victoire. Bien sûr, coté démocrate il faudra éviter de faire comme Obama, attendre des mois et des mois, avant de lancer les grandes réformes, une seule en fait, et a minima : l’Obamacare.
      Sanders au pouvoir ne fera pas du Obama, ça on peut en être sûr, pour le reste advienne que pourra…

      1. « L’esprit antidémocratique des fondateurs de la « démocratie » moderne. On peut presque dire que la théorisation politique a été inventée pour montrer que la démocratie, le gouvernement des hommes par eux-mêmes, vire nécessairement en règne de la populace… S’il existe quelque chose telle que la tradition occidentale de la pensée politique, elle débute avec ce biais profondément antidémocratique. »
        J. S. McClelland – A History of Western Political Thought

        C’est bien sous ce régime de peur et de mépris de la « populace » que nous vivons. Combien de fois nous a-t-on expliqué que si les gueux votent pour le Brexit, contre le plan de la Troïka en Grèce, ou se révoltent contre la contre-réforme des retraites, c’est tout simplement par pure bêtise, incapables de comprendre la pédagogie des « sachants ». Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de remarquer combien le mot « populiste », sans que personne ne soit capable d’en donner une définition communément admise, est devenu synonyme de passions tristes et de bas instincts.

        Ce ne sont donc pas les électeurs qui sont figés mais le système politique dans lequel ils évoluent et où il est proposé à échéances régulières de tout changer pour ne rien changer.

        Tu fais référence aux actions de Roosevelt entreprises suite au krach de 29, fort bien ! Faisons donc la comparaison avec celles d’Obama au lendemain du krach de 2008. Comparaison cruelle s’il en est ! Là où le premier a envoyé les « barons voleurs » derrière les barreaux, démantelé les trusts et mis en place les politiques keynésiennes du new-deal, le second a « convoqué » les dirigeants des mégabanques à la Maison Blanche pour leur faire servir thé et petites pâtisseries. Bref, les pertes furent socialisées, les voyous restèrent en place et leurs établissements devinrent encore plus gros…

        Conclusion : après le Donald, les étatsuniens peuvent bien porter à la présidence Sanders ou Daffy Duck que cela ne changera rien au fonctionnement d’une économie extractiviste et financiarisée. Le vrai pouvoir n’est plus politique ou bien dit d’une autre manière, la politique est sous le contrôle total de l’argent. Et c’est d’autant plus vrai aux États-Unis, pays fédéral où le pouvoir présidentiel peut être mis partiellement ou totalement en échec suivant la couleur des deux chambres et où le premier job d’une équipe de campagne, que ce soit pour un député ou un sénateur, n’est pas la pêche aux voix mais aux généreux donateurs.

        Alors dans un pays où un dollar vaut une voix et où il y a plus de dollars que d’habitants, je te laisse tirer la conclusion qui convient.

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