En visite chez les cousins allemands, le chef de l’État français s’efforce en pure perte de « donner une nouvelle dynamique à l’aventure européenne » qui en est dépourvue. Ses précédentes tentatives ayant échoué, ses incursions sur d’autres terrains n’ayant rien donné, il n’est plus question de budget européen, pas plus de stratégie commune de lutte contre le réchauffement climatique, mais de bâtir une défense européenne, le plus petit dénominateur commun.
Pour ne pas se payer de mots, la zone euro a connu une stagnation incontestable au dernier trimestre 2019. C’est l’INSEE qui le dit, qui confirme au passage que l’Italie est en son sein la grande malade. L’économie européenne reste sans ressort, les exportations qui devaient lui en procurer sont prises à contrepied par la crise de la mondialisation. Or celle-ci est durable, ne se résumant pas à la guerre des tarifs douaniers instaurée par Donald Trump et aux effets de la pandémie du coronavirus comme il est tenté de l’y réduire, le nez sur l’événement. Et si ce remède supposé à la politique déflationniste ne fonctionne pas, ses conséquences sociales ont bel et bien engendré une crise politique devenue permanente.
Emmanuel Macron, qui craint d’en être la prochaine victime, prétend désormais « réconcilier les classes moyennes avec l’avenir » et revenir sur « le cocktail fou » que représentent la priorité donnée à la consolidation budgétaire et à la réglementation du secteur financier, pointant de ce point de vue le bout du nez. Rien de bien nouveau en vérité, puisqu’il s’agit d’un décalque du programme de Donald Trump que Boris Johnson se prépare à appliquer en libérant la City de ses entraves et en ouvrant le robinet de l’investissement.
Depuis Munich où il s’est rendu, le président français prêche dans le désert en cherchant des appuis dans un monde politique allemand en pleine mutation, tentant en désespoir de cause de jouer le coup d’après. Mais la pente à remonter est trop rude, supposant une rupture et une relance budgétaire. À défaut, afin de stabiliser l’union monétaire, il faudrait mutualiser la dette d’une manière ou d’une autre. Or les suggestions à ce propos qui n’ont pas manqué sont restées lettre morte. Et, si l’on fouine dans les recoins de l’Eurosystème, c’est pour constater que les banques centrales nationales hébergent la dette de leur pays, ce qui représente un puissant facteur de désagrégation potentielle de la zone euro en cas de pépin. Tout repose pour l’instant sur les faibles taux obligataires auxquels la BCE veille.
Après en avoir fait son miel, le capitalisme n’a plus d’autre ressource qu’un système financier lui-même instable. Ses laudateurs attendent que ses acteurs financent la « compensation carbone » en guise de lutte contre le dérèglement climatique et entament dans la discrétion sa dérégulation. Ce faisant, ils ignorent un accroissement des inégalités lourd de conséquences politiques. Faute d’un changement de modèle économique, c’est un changement de modèle de société qui s’annonce si rien n’y fait obstacle. Nous en avons un avant-goût en mettant bout à bout ce qui est déjà observable.