Rien de bien nouveau ! avec une croissance économique atone et une inflation sous-jacente de 1%, la zone euro ne se porte pas très bien, pour s’en tenir aux canons de beauté habituels. Les analystes et commentateurs attendent en pure perte une relance et, afin de plancher sur une hypothétique réforme d’un « pacte de stabilité et de croissance » de plus en plus mal nommé, la Commission annonce une large consultation. L’occasion de mettre tout le monde dans le bain afin de lui tenir compagnie.
Le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, prend comme prétexte à cette réflexion collective « la complexité de règles difficiles à comprendre », et donne l’exemple d’indicateurs « qui ne correspondent pas à une réalité observable », comme le fameux déficit structurel (une formule élégante vu l’estimation très aléatoire de la croissance potentielle sur lequel il repose). Et il propose en remplacement « le niveau des dépenses publiques compatible avec une dette soutenable », sans plus de précisions sur les modalités de ce nouveau calcul. Tout cela n’ira pas loin et se limitera à un simple ajustement.
La Commission n’a pas seulement en vue la menace d’une récession, mais également le lourd financement des « transitions écologique et numérique ». Alors que l’adoption de son budget pluriannuel 2021-2027 va faire l’objet d’un sommet européen exceptionnel, le 20 février prochain, qui s’annonce très tumultueux. Ce qui conduit son vice-président, sachant à qui il a affaire, à reconnaître qu’il ne pourra pas être « considérablement augmenté ». Plus que jamais, tous les espoirs reposent donc sur une mobilisation de financements privés devant réunir 2.000 milliards d’euros sur dix ans (les deux-tiers de ce qui est estimé indispensable à la réussite de la « transition écologique »).
Du côté de l’Allemagne, qui détient comme chacun sait les clés du verrou, les pressions internes du patronat en faveur d’une relance des investissements publics se sont multipliées en raison d’un vieillissement des infrastructures qui pèsent sur la productivité. La règle allemande du déficit budgétaire zéro est contestée sans plus d’effet et les contraintes budgétaires du pacte européen ne sont même pas mises en cause. L’opportunité d’une relance n’est d’ailleurs soulevée que sous un angle spécifiquement allemand et non à l’échelle européenne. Et la nouvelle direction du SPD se garde bien d’aborder les questions qui fâchent avec le CDU/CSU, ne souhaitant pas précipiter un éclatement de la coalition et la convocation d’élections. Tout cela n’ira pas loin également !
Selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le puissant syndicat IG Metall recherche un accord avec le patronat de la métallurgie en vue d’obtenir une garantie de l’emploi en contrepartie de revendications salariales très modérées. Les syndicalistes seraient en effet préoccupés par une robotisation accentuée de la production plus rapide que prévu, et par les contraintes de réduction des émissions de carbone qui mettent en cause la filière automobile actuelle. L’usine que Tesla va implanter près de Berlin, fortement automatisée et sans tradition syndicale, cristallise leur inquiétude.
Aboutissant à une stagnation prévisible des salaires dans l’industrie, cette nouvelle donne ne va pas contribuer à la hausse de la consommation et va peser sur l’inflation en Allemagne, ainsi qu’à l’échelle de la zone euro. Les spectres de la récession et de la déflation ne sont pas prêts de se dissiper.
Il est fort probable que la récession et la déflation, l’une n’allant pas sans l’autre, ont pour origine un grand nombre de facteurs, parmi lesquels on peut citer – sans vouloir leur donner un ordre d’importance :
La mondialisation ou ultra-libéralisme avec ses délocalisations et la recherche du profit de la part d’intermédiaires assoiffés de fric qui vont jusqu’à manipuler les cours de certains produits, etc.
Le pouvoir d’achat déclinant de la population, évidemment nié par les gouvernements. Les Allemands sont particulièrement visés ici puisque depuis quelques années la politique d’exportation menées par leurs gouvernants s’est appuyée sur la baisse concurrentielle des salaires.
L’écart grandissant des revenus entre les entrepreneurs et les salariés. Les nouveaux embauchés se voient proposer des salaires voisins du minimum prévu par la loi et les augmentations en cours de carrière sont strictement limitées, ce qui a pour avantage collatéral d’enrichir les petits patrons.
Avec pour incidence deux sortes d’épargne, celle des riches qui alimente les cours de bourse et de l’immobilier, tandis que celle des autres nourrit les refuges de l’épargne réglementée. Avec pour conséquence dans les deux cas d’un effet de frein sur l’activité de production.