Malgré l’hiver et une mer très rude, les réfugiés tentent toujours de fuir à tout prix une Libye en pleine guerre civile. Près de 500 d’entre eux ont été sauvés le week-end dernier par les équipes des ONG et attendent d’être débarqués, le temps qu’un accord lent à intervenir soit trouvé pour les répartir entre pays européens volontaires. Mais leur sort est privilégié par rapport à ceux qui restent en Libye ou qui ont disparu en mer, sans avoir la chance de rencontrer l’Ocean Viking ou l’Alan-Kurdi, les deux navires affrétés par des ONG qui croisent seuls au large des eaux territoriales libyennes.
À Berlin, onze pays ont tenté le 19 janvier dernier d’instaurer un cessez-le feu et décidé d’un embargo sur les armes. Mais rien n’y a fait, les combats ont repris de plus belle entre les troupes du gouvernement d’union nationale (GNA) de Tripoli et les forces du maréchal Khalifa Haftar. Un rapport destiné au Conseil de sécurité de l’ONU fait état d’une centaine de groupes armés combattant pour l’un ou l’autre camp. Et les livraisons massives d’armes ont repris malgré les engagements pris à la conférence. L’hypothèse d’une force internationale faisant respecter un cessez-le-feu, un instant évoquée, a depuis fait long feu. Bloquer les réfugiés dans un pays en proie à un tel chaos est proprement criminel.
Dans les îles grecques de Lesbos, Chios, Samos, Kos et Leros, plus de 40.000 réfugiés venant de Turquie sont parqués dans des camps insalubres où règnent des conditions de vie détestables, rejoindre le continent leur étant interdit. Le gouvernement grec a laissé pourrir une situation reconnue ne plus être sous contrôle, tandis que le gouvernement turc demande à l’Union européenne une rallonge financière aux six milliards d’euros déjà accordés après avoir recueilli quatre millions de réfugiés.
Dans le nord-ouest de la Syrie, à la frontière avec la Turquie qui redoute leur venue, près de 40.000 personnes ont été déplacées dans une région soumise aux bombardements des aviations syrienne et russe. Afin de fixer à l’intérieur du pays les déplacés, la chancelière Angela Merkel a promis au président Erdogan d’aider à la construction de 10.000 abris en dur qui ne suffiront pas.
Ces situations dramatiques ont en commun de signer l’échec de l’accord de Dublin. La relocalisation sur une base volontaire des quelques centaines de naufragés secourus et le confinement en Libye et dans les îles grecques de dizaines de milliers de réfugiés ne tiennent pas lieu de politique. Mais que peut-on attendre d’autre de dirigeants politiques européens dont le naturel est de se payer de mots quand cela les dérange, les conduisant à faire preuve d’irresponsabilité collective ?