Les banquiers ne désespèrent pas d’obtenir de la BCE qu’elle aligne son taux sur celui de la Fed en le remontant. À Davos, dans des lieux sans contradicteurs de poids, ils ont déployé toute leur argumentation en instruisant à charge le dossier des taux négatifs. Finiront-ils par convaincre le monde politique de la justesse de leur cause, leur objectif ?
Du temps de Mario Draghi, la cause était entendue, les bénéfices tirés par l’économie l’emportant sur les désagréments subis par les banques. Mais les banquiers opposent à la BCE une autre politique de relance de l’économie, faite de diminution des impôts et de relance des dépenses gouvernementales. Larry Kudlow, le conseiller économique de Donald Trump, y a été de sa recette en proposant en plus la diminution des taxes et le relâchement de la régulation.
Leur discours prend appui sur l’état d’une opinion publique inquiète pour son avenir que traduit l’accroissement de l’épargne des particuliers. Pour apporter de l’eau à leur moulin à ce sujet, on a appris que la collecte de l’assurance-vie avait progressé de 6% en France l’année passée, de 26 milliards d’euros, en nette accélération par rapport à 2018. L’encours représentait en décembre dernier 1.788 milliards d’euros.
Bien que n’étant pas directement concerné, Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, a tenté d’approfondir la question en remarquant « nous sommes un peu tombés dans un piège avec des taux si bas dans le monde entier », une allusion au piège à liquidités keynésien, en d’autres termes au danger de la « japonisation » de l’économie.
Devant un tel épouvantail, les banquiers européens menacent le monde politique de taxer les dépôts en compte-courant supérieurs à 100.000 euros (le montant garanti en Europe) si rien ne bouge. L’argent gratuit, cela suffit ! Mais, pour regonfler leurs marges une solution serait trouvée si elle était de circonstance, ce qui n’est pas le cas : la concentration du monde bancaire pour le plus grand bénéfice des mégabanques – qui préfèrent le terme de « consolidation ». Hélas, elle rencontre des obstacles réglementaires et politiques fort probablement durables, chaque gouvernement choie ses champions en attendant l’hypothétique poursuite de la construction supranationale.
Dans l’immédiat, il subsiste l’espoir d’un revirement de la BCE qui, en toute indépendance naturellement et grâce à des appuis au sein du Conseil des gouverneurs, pourrait en arriver à se déjuger. Ce n’est pas gagné, car elle a ses raisons. Petite compensation, une nouvelle version des tests de résistance des banques de l’Autorité bancaire européenne (EBA) est annoncée. Elle permettra aux banques de mieux faire valoir leur analyse de leur risque face à celle des superviseurs dont les contraintes méthodologiques seront « détendues ». Comme l’annonce joliment la présentation de cette nouveauté, « la pertinence des tests de résistance nécessite dans la pratique un compromis entre réalisme et fiabilité. »