Les financiers, qui ne perdent pas le Nord, n’ont plus que le « Green Business » à la bouche, nous rendant à juste titre suspicieux sur leurs intentions pour en avoir tant vu. Les anglophones parlent à ce sujet de « greenwashing », c’est à dire de mascarade écologique. Vont-ils vraiment nous tirer une grosse épine du pied ou bien profiter d’un label sollicité sans discernement ? Ce nouvel épisode de la finance ressemble un peu trop à une tentative d’en redorer le blason.
En attendant, il va falloir trouver des capitaux qui font défaut dans les caisses publiques. La Commission européenne l’a pris en compte avec son plan de financement de la transition écologique de mille milliards d’euros sur dix ans, dont l’objectif déclaré est de soutenir l’investissement privé pour une part non précisée, laissant dans le flou le montant de l’argent public qui y sera consacré.
En ces temps de disette forcée, il se confirme que la BCE pourrait être mise à contribution. Tel est le sens d’une étude conjointe d’une centaine de pages de la Banque des règlements internationaux (BRI) et de la Banque de France, intitulée de manière elliptique « the Green Swan Commission» (le cygne vert). Une référence à la théorie de Nassim Nicholas Taleb selon laquelle des événements rares comme le sont les cygnes noirs peuvent avoir des conséquences considérables. Avec comme sous-titre qui annonce la couleur : « Banque centrale et stabilité financière à l’ère du changement climatique ».
« Le changement climatique pose de nouveaux défis aux banques centrales, aux régulateurs et aux autorités de surveillance », constate la présentation de l’étude qui examine « ces nouveaux risques dans le cadre du mandat de stabilité financière des banques centrales ». Une fois de plus, elles devraient avoir à pénétrer dans des territoires inconnus, comme elles l’ont fait avec la politique monétaire non conventionnelle de la dernière décennie. Une combinaison de politiques appropriées (policy mix) est recherchée, et il est préconisé le développement de nouveaux mécanismes financiers.
Ainsi, les banques centrales pourraient être amenées à acheter massivement des actifs soudainement dépréciés à la suite d’un changement de politique des États liés au climat. Dit autrement, elles absorberaient les pertes. Il y aura certainement de quoi faire pour éviter l’écroulement du système bancaire, car selon un document de Greenpeace publié à l’occasion du Forum de Davos, dix mégabanques ont à elles seules financé le secteur des énergies fossiles à hauteur de 1.000 milliards de dollars entre 2015 et 2018.
Ce type de contribution ne sera suffisante, car les mirifiques mille milliards de la Commission ne font pas le compte, vu sa propre estimation des besoins financiers de la transition écologique qu’elle chiffre elle-même à 260 milliards d’euros annuels, soit 2.600 milliards sur dix ans !
Hier vilipendée en raison de ses conséquences inflationnistes, la création monétaire des banques centrales va-t-elle rentrer en grâce pour la bonne cause ? Les mauvais esprits auraient beau jeu d’y trouver confirmation que le capitalisme financier ne peut désormais se passer de leur assistance. Un indéniable autre aspect de sa mutation après la forte concentration du pouvoir aux mains de quelques fonds d’investissement.
Cette évolution ne va pas aller sans mal, à entendre Donald Trump qui a appelé à Davos à « rejeter les éternels prophètes de malheur et leurs prévisions d’apocalypse », opposant son optimisme à tout crin au pessimisme de Greta Thunberg qui s’était exprimée avant lui.