Soucieuse de ne pas se froisser les ailes, Christine Lagarde se réfugie derrière une formule pour initiés en réclamant une « policy mix ». Par-là, les économistes entendent la combinaison coordonnée de la politique monétaire et budgétaire, supposant l’adoption d’un plan de relance. La même sempiternelle question est à nouveau posée, le déblocage du resserrement budgétaire qui le permettra est-il dans les tuyaux ?
Le nouveau Premier ministre espagnol a annoncé vouloir renégocier les objectifs nationaux de déficit public avec la Commission européenne, mais quelles chances peut-on lui donner d’aboutir seul dans son coin ? En Allemagne, la CDU/CSU campe sur sa position et manie l’ironie en proclamant son attachement à son « fétiche » du déficit budgétaire zéro. Le SPD, qui cherche à obtenir une remise à plat du contrat de coalition, pousse à l’adoption sans plus de succès d’un programme de 500 milliards d’euros sur dix ans qui remettrait pratiquement en question la règle de l’équilibre budgétaire. Dans l’immédiat, le SPD prône plus d’investissements dans les infrastructures et un soutien renforcé aux ménages modestes, tandis que la CDU/CSU prépare des allégements fiscaux en faveur des entreprises afin de garantir leur compétitivité mondiale et le maintien du niveau des exportations pour ne pas changer de modèle de développement… Et les Verts qui, ainsi que la Fédération patronale de l’industrie (BDI) en accord avec les syndicats réclament un plan d’investissement massif, prêchent dans le désert.
L’annonce de 13,5 milliards d’euros d’excédent budgétaire pour l’année 2019 permet à la CDU/CSU de couper court en s’appuyant sur l’existence d’une cagnotte fiscale qui atteint désormais de 48 milliards d’euros. Elle n’est cependant pas à la hauteur des ambitions proclamées, alors qu’il ne faut pas attendre le renouvellement d’un tel niveau d’excédent, car il provient l’année dernière d’économies budgétaires qui ne se renouvelleront pas, quand on y regarde de plus près. Il avait par exemple été budgété une augmentation de la contribution au budget communautaire en raison du Brexit, or il a été repoussé et elle a été différée. Le financement des investissements destinés à pallier à la vétusté des infrastructures reste donc un problème entier dans un contexte économique allemand toujours aussi fragile et incertain.
Lorsque le journal Les Échos titre sur les menaces qui planent sur l’orthodoxie de l’équilibre budgétaire et affirme que « les jours de ce dogme sont comptés », ne prend-il pas ses désirs pour des réalités ? Jusqu’à maintenant, la BCE a cherché seule à relancer l’économie, une « policy mix » ne répondant pas à l’appel. Et s’il doit y avoir un changement, il est parti pour prendre un certain temps…
La Commission porte désormais tous les espoirs avec son projet de financement de la transition écologique de mille milliards d’euros sur dix ans. Mais comment ne pas se rappeler l’annonce en fanfare du fameux plan Juncker de 400 milliards d’euros dont on cherche toujours les effets ? Et, si l’on se tourne vers le Japon, comment ne pas constater que le plan de relance gouvernemental intitulé « Abenomics », du nom du Premier ministre Shinzo Abe, n’en n’a pas produit d’avantage ? Il vaut mieux de ne pas se laisser étourdir par des chiffres mirobolants.
Les banquiers centraux, eux, ne s’en laissent pas compter. Après la Fed et la BCE, la Banque d’Angleterre (BoE) s’engage dans une réflexion stratégique, avec à la clé une question qui agite les économistes britanniques : en cas de menace de récession, de quelles armes leur banque centrale va-t-elle pouvoir disposer ?
Leurs propositions partent dans tous les sens, et on est loin du consensus cher à la profession. Une crainte domine les débats selon laquelle les instruments feraient défaut à la BoE (ainsi qu’aux autres banques centrales), et qu’il faudrait en trouver de nouveaux, mais lesquels ? Il émerge aussi une triste vérité : les banques centrales devraient cesser d’être en première ligne en cas de ralentissement économique. On tourne en rond !