Que va-t-il cette fois-ci se passer ? L’Argentine a déjà fait défaut sur sa dette à huit reprises et se dirige vers un neuvième épisode. Un remboursement de 9 milliards de dollars a déjà été différé par deux fois, et les agences Fitch et Standard & Poor’s ont, pour commencer, dégradé la note du pays à « défaut restrictif » et « défaut sélectif ».
Sous la direction de Mauricio Macri, l’ex-président battu aux présidentielles en octobre dernier, tout a été fait pour engager le pays dont la situation n’était déjà pas brillante dans une voie sans issue. Appliquant à la lettre le « consensus de Washington », il a supprimé les subventions publiques dans l’énergie, l’eau et les transports, puis fait appel aux marchés internationaux pour se financer. Le FMI, à l’époque dirigé par Christine Lagarde, l’a incité à pratiquer les coupes budgétaires responsables en chaque occasion de la désolation. Le résultat a été sans surprise : près de 40 % des habitants vivent désormais sous le seuil de pauvreté, le pays est en récession et le taux d’inflation a atteint 52 % sur les douze derniers mois.
La décision de l’ex-président argentin de faire appel aux marchés internationaux s’est révélée particulièrement désastreuse lorsque les taux d’intérêt américains ont augmenté et que les capitaux qui en venaient y sont massivement retournés. Et lorsqu’il fallut faire appel au FMI, cela n’a rien amélioré. Les investisseurs privés n’ont pas été rassurés comme prévu, tout au contraire. Le remboursement des prêts de l’institution étant prioritaire, leurs chances de récupérer leur mise en cas de restructuration se sont évanouies, et ils ne sont pas venus. Circonstance aggravante, les prêts du FMI à court terme ont créé un mur de la dette et des échéances de remboursement insupportables. Ils ont atteint en 2018 le montant de 57 milliards de dollars après avoir nécessité une rallonge, un niveau jamais atteint par le FMI pour un seul pays. Celui-ci a été mis dans la situation classique du banquier à qui une entreprise doit trop argent et qui n’a pas d’autre ressource que d’accorder de nouveaux crédits pour ne pas perdre les précédents.
Alberto Fernandez, le nouveau président péroniste, est le dos au mur. Dans l’urgence, il a fait adopter une loi prévoyant une augmentation des impôts pour les classes moyennes et supérieures et des prestations sociales pour les défavorisés. Grâce à cette redistribution de la richesse, limitée, et à celle de bons alimentaires, il tente d’atténuer l’immense crise sociale dont il a hérité. Des mesures complémentaires au contrôle des changes, que son prédécesseur avait dû rétablir après l’avoir aboli, sont également prévues afin de lutter contre l’évasion des capitaux.
Principal créditeur, le FMI a déjà accepté les deux reports de remboursement, mais c’est reculer pour mieux sauter. Il faudrait une inversion de la tendance et une forte croissance pour que le gouvernement puisse honorer ses échéances. Mais ni le marché du soja, ni celui de la viande, les deux principales exportations, ne sont en mesure de la susciter.
Le Fonds va avoir un interlocuteur difficile à manier, en la personne de Martín Guzmán, le nouveau ministre de l’Économie et de l’administration, ci-devant directeur de l’Initiative pour un dialogue sur la politique de restructuration de la dette abrité par la Columbia Business School, dont est également membre Joseph Stiglitz. Ce professeur d’économie ne se satisfait pas du scénario conventionnel de règlement des crises de la dette souveraine de ces quarante dernières années et n’ignore pas qu’il fut un temps, oublié, où le FMI planchait sur la formule novatrice que représenterait la création d’un Tribunal international des faillites chargé d’organiser le surendettement et les défauts, auquel il s’est déjà implicitement référé.
L’Argentine, c’est loin, mais les leçons de ce qui va suivre ne seront pas perdues pour tout le monde. À suivre…