Le sujet est un peu aride, mais entrer dans la petite cuisine du monde financier est toujours instructif sur son fonctionnement. On y découvre actuellement que l’Autorité bancaire européenne (EBA) est aux petits soins avec les banques européennes, estimant devoir les ménager pour arriver à ses fins.
Pour les fêtes de fin d’année, il leur a été promis un beau cadeau estimé à 73 milliards d’euros sous la forme d’un aménagement de la composition du « pilier 2 » de leur fonds propres réglementaires. En substance, les obligations subordonnées vont y devenir éligibles, ce qui va les autoriser à utiliser pour d’autres usages des titres onéreux. Ces titres de dette subordonnée ayant la particularité de se transformer en fonds propres lorsqu’un évènement convenu d’avance intervient, les banques vont, si l’on comprend bien, pouvoir conforter leurs fonds propres avec leur propre dette. La finance donne lieu à de vrais miracles !
Cet aménagement vient notamment en compensation de la mise en œuvre du nouveau mode de calcul du risque de leurs actifs auquel les banques doivent procéder pour déterminer le montant de leurs fonds propres obligatoires. Au terme d’une négociation ardue entre les régulateurs et la profession, elles vont pouvoir continuer à utiliser leurs « modèles internes » complaisants, mais un plancher au taux final a été fixé par le régulateur, avec pour effet détestable d’augmenter le montant des fonds propres correspondant, donc le coût de l’opération. La finalisation de la transposition en droit européen des dernières dispositions de Bâle III, qui se prépare, a pour enjeu l’assouplissement exigé par les banques afin de limiter les coûts induits supplémentaires.
Les régulateurs apparaissent dans cette affaire soucieux de ne pas peser sur le rendement détérioré des banques, que les taux obligataires négatifs n’améliorent pas, afin de ne pas décourager les investisseurs qui concourent aux augmentation de capital et en attendent des dividendes. Car c’est grâce à eux que le noyau des fonds propres « durs » est renforcé. Tout se tient ! Non sans complaisance, prisonniers de leur mode de pensée, les régulateurs donnent d’une main ce qu’ils prennent de l’autre, selon de savants dosages.